L’Afrique est à l’aube d’une révolution électrique. Le projet Mission 300, lancé lors du Dialogue sur l’énergie durable de 2025, vise à fournir un accès à l’électricité à 300 millions d’Africains d’ici 2030. C’est une ambition audacieuse. Mais la vraie question est : Cette initiative va-t-elle illuminer l'Afrique ou laisser les communautés impuissantes ?
De la vision à la réalité
La Mission 300 est plus qu'un chiffre ; c'est une promesse. La précarité énergétique freine la croissance économique, l'éducation et la santé depuis des décennies sur tout le continent. Face à l'urgence climatique et au développement des énergies propres, cette initiative vise à combler enfin ce fossé.
Selon le Perspectives énergétiques de l'Afrique 2024, Plus de 570 millions d'Africains n'ont toujours pas accès à l'électricité. La Mission 300 vise à réduire ce chiffre de moitié. Ce plan repose sur une combinaison d'extensions du réseau électrique, de solutions hors réseau comme les mini-réseaux solaires et de partenariats public-privé stratégiques.
La promesse de transformation
Si elle est menée à bien, la Mission 300 pourrait révolutionner le paysage énergétique africain. Elle offre le potentiel de :
- Alimenter les écoles, les cliniques et les entreprises.
- Créer des emplois verts grâce à des projets d'infrastructures locales.
- Réduire la dépendance aux générateurs diesel et aux lampes à pétrole.
Comme nous l'avons évoqué dans « Liberté des combustibles fossiles : pourquoi le Nigeria doit abandonner le pétrole pour assurer son avenir », La véritable souveraineté découle de systèmes énergétiques durables conçus en tenant compte des besoins locaux.
Risques liés à la répétition du passé
Mais l'histoire nous enseigne la prudence. Les efforts d'électrification passés en Afrique ont souvent privilégié les mégaprojets au détriment des communautés. La construction de grands barrages a déplacé des milliers de personnes. L'extension du réseau électrique s'est concentrée sur les centres urbains, négligeant les zones rurales. La corruption et la mauvaise gestion ont entaché les marchés publics.
La mission 300 ne doit pas suivre cette voie.
Le risque est que, dans la précipitation, les gouvernements privilégient les entreprises étrangères, importent des technologies sans grande contribution locale et donnent la priorité à la rapidité plutôt qu'à la durabilité. On risquerait alors de recréer un système où les lignes électriques aériennes ne suffisent pas à alimenter les populations locales en électricité.
À qui appartiendra le pouvoir ?
Un défi majeur réside dans la question de la propriété et de la gouvernance. Qui contrôlera les nouvelles infrastructures énergétiques ? Les communautés auront-elles leur mot à dire sur la planification et les retombées économiques ? Sans cadre clair pour la participation communautaire et le partage des bénéfices, le programme Mission 300 risque de n’être qu’une initiative imposée d’en haut.
Comme souligné dans “ Objectifs verts, zones grises : la politique des relations énergétiques Chine-Afrique ”, Les contrats opaques et les dépendances extérieures peuvent rendre l'Afrique vulnérable.
La mission 300 doit insister sur :
- Participation communautaire à la planification et à la mise en œuvre.
- Approvisionnement et production locaux pour créer des emplois et des compétences.
- Une gouvernance transparente dotée de mécanismes de reporting clairs.
Énergie sans extraction
Le programme Mission 300 risque également d'être récupéré par les mêmes modèles d'extraction qui ont façonné le secteur énergétique africain. Les grandes centrales solaires ou les projets hydroélectriques, s'ils ne sont pas correctement gérés, peuvent entraîner le déplacement de populations et la dégradation des écosystèmes.
Le développement des énergies renouvelables ne doit pas reproduire les coûts environnementaux et sociaux des projets d'énergies fossiles. Il est essentiel de privilégier les solutions décentralisées à petite échelle, comme les systèmes solaires domestiques et les mini-réseaux. Elles peuvent fournir de l'électricité là où elle est le plus nécessaire : zones rurales, écoles et dispensaires.
La dimension régionale
Aucun pays ne peut atteindre seul l'objectif de la Mission 300. La coopération régionale est essentielle. Le développement des infrastructures transfrontalières, le partage des connaissances et la négociation collective pour un transfert équitable des technologies renforceront cette initiative.
Mais cela nécessite une harmonisation. Des politiques fragmentées, la concurrence pour les investissements étrangers et des institutions faibles pourraient compromettre les progrès.
Un appel à l'action
La Mission 300 représente une opportunité historique. Elle peut transformer la vie de millions de personnes, impulser une industrialisation verte et positionner l'Afrique comme un chef de file en matière d'énergie durable. Mais elle doit être mise en œuvre différemment.
- Donnez les moyens aux communautés locales ; ne les ignorez pas.
- Exigez la transparence ; ne reproduisez pas les accords opaques.
- Privilégiez la durabilité ; ne troquez pas une forme de dommage environnemental contre une autre.
L'Afrique n'a pas besoin d'un énième grand plan qui paraît séduisant sur le papier mais qui échoue dans la pratique. Elle a besoin d'une approche centrée sur les personnes qui engendre un véritable changement.
Car électrifier l'Afrique ne se résume pas à appuyer sur un interrupteur, il s'agit de créer un avenir où personne ne sera laissé dans l'obscurité.
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