Realistic image of solar panels, power lines, and a diesel generator emitting light smoke at sunset in an African landscape.
Panneaux solaires et générateurs diesel alimentent le même horizon — la transition africaine prise entre ambition et réalité.

Subventions, stockage et souveraineté : le défi caché du réseau électrique africain

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Lors de la table ronde de la COP30 à Belém, le secrétaire général de l'ONU, António Guterres, a lancé un avertissement discret mais précis : “ Le monde ne parviendra pas à un accès à l’énergie propre pour tous si nous n’investissons pas massivement dans les réseaux, le stockage et si nous ne mettons pas fin aux subventions aux combustibles fossiles. ”
Cette déclaration a eu un écho bien au-delà des cercles de la diplomatie climatique. Pour l'Afrique, continent à la fois riche en potentiel d'énergies renouvelables et prisonnier de sa dépendance aux énergies fossiles, ses mots ont mis le doigt sur un paradoxe rarement abordé : nous construisons des parcs solaires et éoliens sur des réseaux électriques alimentés par le diesel, la dette et des décennies de sous-investissement.

Partout en Afrique, les décideurs politiques parlent d'industrialisation verte et d'un avenir énergétique propre. Mais les infrastructures qui sous-tendent cette ambition – lignes de transport vieillissantes, capacités de stockage insuffisantes et subventions persistantes aux énergies fossiles – racontent une tout autre histoire. La transition énergétique africaine ne se résume pas à une question de mégawatts installés ; c'est une lutte pour le contrôle de l'énergie future, au sens propre comme au sens figuré.

L'architecture silencieuse sous les énergies renouvelables africaines

Au Turkana, dans le nord du Kenya, d'immenses éoliennes tournent au-dessus des collines désertiques. Pourtant, une grande partie de l'électricité qu'elles produisent ne trouve aucun moyen d'être acheminée vers le réseau électrique : la construction de la ligne de transport a pris du retard, ce qui a coûté au gouvernement kényan plus de 145 millions de dollars en indemnisations. Au Nigéria, des centaines de mini-réseaux solaires alimentent en électricité des dispensaires et des habitations rurales, jusqu'au coucher du soleil et au redémarrage des groupes électrogènes. En Afrique du Sud, l'énergie solaire photovoltaïque se développe rapidement dans les banlieues aisées, tandis que les délestages creusent les inégalités entre ceux qui peuvent s'offrir des onduleurs et ceux qui ne le peuvent pas.

Il ne s'agit pas d'anomalies, mais des symptômes d'un problème plus profond. L'échec de la transition énergétique africaine n'est pas dû à un manque d'ensoleillement ou d'ambition. Elle est contrainte car le continent tente d'intégrer les technologies du XXIe siècle à une infrastructure du XXe siècle. Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), AL'Afrique doit investir plus de 100 000 milliards de dollars par an jusqu'en 2030. L’expansion et la modernisation du réseau électrique sont essentielles pour répondre à la demande croissante d’électricité et intégrer efficacement les énergies renouvelables. Or, aujourd’hui, moins de 104 030 milliards de dollars sont investis chaque année. Les investissements dans le réseau sont trois fois inférieurs aux besoins.

Subventions aux combustibles fossiles : le prix de l'immobilisme

Dans le même temps, les gouvernements africains dépensent des milliards pour maintenir l'exploitation des énergies fossiles. Le Fonds monétaire international (FMI) Les estimations indiquent que les subventions explicites et implicites aux combustibles fossiles en Afrique ont atteint 1 TP4 50 milliards de dollars en 2023, éclipsant les investissements dans les énergies renouvelables.

  • Le Nigeria a dépensé à lui seul plus de 104 010 milliards de dollars en subventions sur l'essence en 2022., plus que ses budgets combinés de santé et d'éducation.
  • L'Égypte continue de dépenser des milliards chaque année sur les subventions au gaz naturel pour stabiliser les tarifs d'électricité et prévenir les troubles sociaux.
  • Algérie et Angola, Ces deux pays producteurs de pétrole utilisent des subventions pour protéger les citoyens de la hausse des prix du carburant, alors même que les recettes de l'État diminuent.

Ces subventions sont nées d'un noble contrat social, visant à protéger les citoyens de la précarité énergétique. Mais aujourd'hui, elles créent un effet de verrouillage : les gouvernements ne peuvent investir facilement dans la modernisation des infrastructures de stockage ou de transport tant qu'ils financent les importations de diesel et les rabais sur l'essence.

Le stockage : le chaînon manquant de la transition énergétique

Les panneaux solaires ne fonctionnent pas la nuit. Les éoliennes s'arrêtent. Sans stockage, les énergies renouvelables restent intermittentes et les combustibles fossiles prennent le relais.

Pourtant, c'est dans le stockage que l'Afrique investit le moins.

Un rapport de la Banque mondiale indique que moins de 2 % des financements énergétiques alloués à l'Afrique entre 2018 et 2023 ont été consacrés au stockage par batteries ou aux centrales hydroélectriques à pompage-turbinage. La plupart des exploitants de mini-réseaux associent encore l'énergie solaire à des générateurs diesel, car les batteries sont trop coûteuses, les droits d'importation élevés et les techniciens locaux rares.

En Sierra Leone, dans le district de Kambia, un mini-réseau solaire de 50 kW alimente les foyers le jour, mais la nuit, le système bascule sur le diesel pour maintenir l'éclairage. Au Ghana, les centres de santé communautaires, alimentés par des installations solaires financées par des donateurs, restent inactifs après le coucher du soleil, faute de batteries de remplacement.

Il en résulte une dépendance tacite aux énergies fossiles, inscrite au cœur même des réussites africaines en matière d'énergies renouvelables. Le continent verdit son approvisionnement en électricité, mais ne décarbone pas encore ses systèmes énergétiques.

Nigéria : une étude de cas sur les contradictions énergétiques

Le Nigeria, première économie d'Afrique, illustre parfaitement ces tensions.

En 2023, le gouvernement a supprimé les subventions sur l'essence afin d'alléger les finances publiques. Pourtant, dans le même temps, il a approuvé de nouveaux investissements dans les centrales à gaz et accordé des avantages fiscaux aux multinationales pétrolières pour stimuler la production de pétrole brut en mer. Des mini-réseaux solaires sont déployés dans les zones rurales, mais le réseau électrique national reste saturé lors des pics de consommation, contraignant les hôpitaux, les usines et les ménages à utiliser des groupes électrogènes diesel. Les Nigérians dépensent environ 1 414 milliards de nairas par an pour leur propre production d'électricité.

La transition est en cours, mais elle repose sur des fondements fossiles.

Souveraineté et question du contrôle

Guterres n’a pas employé le mot “ souveraineté ”, mais les dirigeants africains l’ont néanmoins compris. Car il ne s’agit pas seulement de climat ; il s’agit de contrôle.

Lorsque les réseaux électriques sont fragiles, que le stockage est inexistant et que les subventions sont élevées, l'Afrique devient dépendante du diesel importé, des panneaux solaires fabriqués à l'étranger, des capitaux empruntés et des consultants externes. Les outils énergétiques restent entre d'autres mains.

La véritable souveraineté dans la transition énergétique signifie :

  • Posséder l'infrastructure — grilles, stockage, systèmes de données.
  • Développer la main-d'œuvre — ingénieurs locaux, électriciens, gestionnaires de réseau.
  • Élaborer les règles — des tarifs douaniers, des subventions et des réformes des services publics qui servent les citoyens, et non les créanciers internationaux.
  • Maîtriser le récit — de la dépendance extractive à la création de valeur et à l’innovation.

Pourquoi le stockage est la nouvelle souveraineté

Le stockage n'est pas un simple ajout technique ; il est le pilier de la souveraineté énergétique en matière d'énergies renouvelables. Sans lui, l'énergie solaire et éolienne restent dépendantes des énergies fossiles. Grâce au stockage, l'Afrique peut s'affranchir des services publics centralisés et concevoir des systèmes énergétiques décentralisés et gérés par les communautés.

Des exemples commencent à apparaître :

  • Eskom, la société sud-africaine de production de papier kraft, a déclaré que l'entreprise sud-africaine Eskom. Elle construit actuellement une capacité de stockage par batteries de 1 440 MWh répartie sur quatre provinces, ce qui constitue le plus grand projet de stockage à l’échelle du réseau en Afrique.
  • Les centrales géothermiques d'Olkaria au Kenya Fournir de l'énergie renouvelable de base, stabiliser le réseau et permettre l'intégration d'une plus grande quantité d'énergie solaire dans le système.
  • Le projet Gigawatt Global au Rwanda comprend désormais un stockage sur site pour éviter le recours au diesel en cas de besoin.

Ces exemples prouvent que le stockage n'est pas un rêve. Il requiert simplement une volonté politique, des financements à taux préférentiels et une stabilité politique.

La voie à suivre : réformer, investir, former

Pour que l'Afrique passe de la dépendance à la souveraineté, trois changements sont essentiels.

1. Réformer les subventions aux énergies fossiles avec justice
La réforme ne doit pas se traduire par la suppression immédiate des subventions. Elle doit protéger les ménages vulnérables tout en réorientant les économies réalisées vers la modernisation du réseau, les systèmes de stockage et la production locale de technologies renouvelables.

2. Investissez dans des infrastructures durables
Les énergies renouvelables sans lignes de transport sont des actifs immobilisés. Les mini-réseaux sans batteries sont des véhicules hybrides diesel. L'Afrique a besoin d'investissements cohérents : sous-stations, systèmes de contrôle des micro-réseaux, interconnexions et stockage, et pas seulement de panneaux solaires.

3. Former les personnes qui construiront le réseau
Chaque transformateur installé devrait être accompagné d'un technicien qualifié. Les ministères de l'Énergie doivent collaborer avec les écoles polytechniques, les universités et les entreprises locales afin de former la prochaine génération d'ingénieurs de réseau, de spécialistes des batteries, de techniciens de véhicules électriques et d'analystes de données.

Conclusion : Au-delà des mégawatts, vers le sens

L'avenir énergétique de l'Afrique ne se mesurera pas au nombre d'éoliennes ou de panneaux installés. Il dépendra de la stabilité, de la souveraineté et de l'utilité de ces systèmes pour les populations riveraines.

Subventions, stockage et souveraineté sont les trois faces d'une même vérité :
Sans repenser la manière dont nous finançons, stockons et gérons l'énergie, la transition reposera sur le diesel, la dette et la dépendance.

Le message de Guterres depuis Belém n'était pas simplement un appel à l'ambition climatique. C'était une invitation à repenser le pouvoir, à qui il appartient, à qui il profite et à qui il est laissé pour compte.

L'Afrique ne peut se permettre un siècle de plus de dépendance énergétique, avec des sources d'énergie produites ailleurs et financées par des emprunts à taux d'intérêt élevés. La transition ne se résume pas à remplacer le charbon par l'énergie solaire ; il s'agit de remplacer la dépendance par la dignité.

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