Introduction : Une transition juste avec des victimes invisibles
Alors que la Semaine du climat de New York réunit des dirigeants mondiaux, des financiers et des militants pour discuter de l’accélération de la transition vers une énergie propre, une réalité reste malheureusement absente des grandes promesses : les coûts humains invisibles supportés par les femmes et les enfants des communautés minières d’Afrique.
Les minéraux qui alimentent les panneaux solaires, les éoliennes et les batteries des véhicules électriques – cobalt, cuivre, lithium et manganèse – sont extraits dans des conditions qui bafouent trop souvent les droits fondamentaux. Des rapports estiment que des dizaines de milliers d'enfants travaillent dans les mines de cobalt en République démocratique du Congo (RDC), qui fournit plus de 701 tonnes de cobalt mondial. Les femmes, quant à elles, effectuent les tâches minières les moins bien rémunérées et les plus risquées, tout en assumant la charge non rémunérée des soins.
UN TEMPS Une enquête publiée ce mois-ci a souligné ce que la société civile africaine avait mis en garde depuis longtemps : sans garanties plus solides, la transition vers une énergie propre risque d'être fondée sur l'exploitation plutôt que sur la justice (TEMPS).
Cet éditorial examine les impacts de l’exploitation minière sur les enfants et les femmes, les faiblesses systémiques qui les encadrent et ce que les engagements de la Semaine du climat doivent inclure s’ils veulent éviter de perpétuer l’injustice extractiviste.
Le travail des enfants dans l'ombre de la transition énergétique
Dans les régions minières africaines, les enfants sont pris au piège d'un cycle d'exploitation. Dans les mines artisanales de RDC, de Zambie et de certaines régions du Nigéria, des garçons âgés d'à peine sept ans creusent et trient les minerais sans équipement de protection. Les filles transportent souvent de lourds sacs ou travaillent au lavage du minerai, exposées à des poussières toxiques et à des eaux contaminées.
Selon UNICEFLe travail dangereux des enfants reste répandu dans le secteur minier car les familles dépendent de ce revenu supplémentaire, tandis que la faiblesse de l'application de la loi permet aux entreprises de fermer les yeux. TEMPS L'enquête a révélé que les enfants mineurs gagnent souvent moins de $2 par jour, sans accès aux soins de santé ou à l'éducation.
Cette réalité soulève un paradoxe moral : les minéraux qui permettent une économie « verte » en Europe, en Amérique du Nord et en Asie sont trop souvent extraits dans des conditions qui privent les enfants africains de leur avenir. L’aspiration à un air plus pur dans les pays du Nord ne peut se faire au prix d’une intoxication pulmonaire et d’enfances brisées dans les pays du Sud.
Le double fardeau des femmes
Les femmes sont confrontées à un double impact : des conditions de travail dangereuses dans les mines et un travail de soins non rémunéré disproportionné dans les ménages où les hommes sont souvent blessés, au chômage ou absents.
Dans les régions riches en cobalt du Katanga, les femmes lavent et traitent les minerais dans les rivières sans gants ni masques, risquant ainsi d'être exposées à des toxines responsables de malformations congénitales et de maladies respiratoires. Les femmes enceintes travaillent dans ou à proximité des mines pour subvenir aux besoins de leur famille, ce qui accroît les risques pour la santé maternelle et infantile.
Au-delà du travail physique, les femmes portent un lourd tribut émotionnel : elles doivent s'occuper des enfants blessés ou malades dans les mines, gérer la pénurie de nourriture et de revenus, et faire face aux déplacements des communautés lorsque les compagnies minières étendent leurs activités. Pourtant, leur voix est largement exclue des décisions politiques, perpétuant ainsi les inégalités entre les sexes dans la transition énergétique.
Des organisations telles que la Women Trafficking and Child Labour Eradication Foundation au Nigéria et Rights and Resources Initiative en RDC mènent des réponses locales, un suivi communautaire, des programmes d'alimentation et un plaidoyer en faveur d'un renforcement des licences et d'une surveillance accrue (TEMPS). Mais sans réformes structurelles, ces efforts restent fragmentaires.
Facteurs systémiques : pourquoi l'exploitation persiste
Plusieurs facteurs structurels expliquent pourquoi les femmes et les enfants continuent de supporter le poids de l’exploitation minière pour l’économie de l’énergie propre :
- Cadres réglementaires faiblesDe nombreux États africains manquent de lois efficaces en matière de protection de l'enfance ou de mécanismes d'application dans les régions minières. Les régimes d'octroi de licences sont poreux, ce qui permet à l'exploitation minière artisanale et à petite échelle de proliférer sans surveillance.
- Pauvreté et dépendance à l'endettement:Les familles confrontées à l’insécurité alimentaire et à l’endettement n’ont souvent d’autre choix que d’impliquer leurs enfants dans l’exploitation minière, même lorsque les écoles sont à proximité.
- Pressions de la demande mondiale:La transition vers une énergie propre a considérablement accru la demande en minéraux critiques. Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la demande de lithium a augmenté de 301 TP3T rien qu'en 2023.AIE). Les pressions exercées sur la chaîne d’approvisionnement prennent souvent le pas sur les mesures de protection sociale.
- Opacité des entreprisesLes entreprises des secteurs des véhicules électriques et des technologies s'appuient sur des chaînes d'approvisionnement complexes, offrant souvent une visibilité limitée sur les conditions d'extraction. Les engagements ESG sont pris au siège social, mais rarement appliqués sur les sites artisanaux.
Les leçons du passé extractif de l'Afrique
L'exploitation des femmes et des enfants dans les chaînes d'approvisionnement en minéraux essentiels n'est pas un problème isolé ; elle s'inscrit dans une longue trajectoire extractiviste. Historiquement, les matières premières africaines ont alimenté l'industrialisation de l'Europe et de l'Amérique du Nord, tandis que les communautés locales restaient appauvries.
Dans notre récent éditorial, Le piège extractiviste : échos du passé colonialNous avons averti que l'Afrique risque de répéter ce cycle si la gouvernance ne change pas. Le travail des enfants et l'exclusion liée au genre nous rappellent brutalement que l'histoire pourrait se répéter sous un vernis écologique.
La Semaine du Climat doit s'attaquer à la justice de la chaîne d'approvisionnement
La Semaine du climat de New York est la principale plateforme mondiale, hors ONU, pour les annonces d'action climatique. Mais cette année, si le débat se concentre uniquement sur les mégawatts installés ou la réduction des émissions, il passera à côté de l'essentiel. La crédibilité de la transition vers les énergies propres dépend de l'équité entre les chaînes d'approvisionnement.
Pour s’aligner sur une transition véritablement juste, les engagements pris à New York doivent inclure :
- Lois contraignantes sur la diligence raisonnable en matière de droits de l'hommeLes gouvernements des pays importateurs de minéraux devraient exiger des entreprises qu’elles tracent et divulguent leur provenance, en prévoyant des sanctions en cas de travail des enfants ou de pratiques dangereuses.
- Accords de partage des avantages communautairesLes sociétés minières doivent être obligées d’investir dans les écoles locales, les systèmes de santé et les programmes d’autonomisation des femmes.
- Financement prioritaire des subventions pour les communautés touchées:Comme nous l'avons soutenu dans notre article sur La crise du financement climatique en AfriqueL’Afrique n’a pas besoin de plus de dettes ; elle a plutôt besoin de fonds concessionnels et de subventions pour renforcer sa résilience et ses alternatives.
- Politiques minières sensibles au genreLes femmes doivent non seulement être protégées des préjudices, mais également intégrées aux mécanismes de leadership, de prise de décision et de partage des bénéfices.
Des opportunités de réforme
Il est encourageant de constater des signes de progrès. L'Union africaine Vision minière africaine appelle explicitement l'exploitation minière à contribuer au « développement à grande échelle » plutôt qu'à la seule extraction. La Global Battery Alliance pilote des normes pour un approvisionnement responsable. Des coalitions de la société civile, comme le Just Minerals Africa Group, amplifient la voix des communautés pour exiger des réformes.
L’attention internationale portée pendant la Semaine du climat peut accélérer ces efforts, mais seulement si les gouvernements, les donateurs et les entreprises africains sont tenus responsables de faire plus que de la rhétorique.
Conclusion : L’énergie propre ne doit pas se faire au détriment de la dignité
La transition énergétique est urgente, mais elle ne peut être juste si ses fondements sont injustes. L'exploitation minière transforme la vie des femmes et des enfants en Afrique, violant leurs droits et perpétuant les cycles de pauvreté. Si les engagements pris lors de forums comme la Semaine du climat de New York n'intègrent pas explicitement la protection de l'enfance, l'égalité des sexes et les bénéfices pour la communauté, la promesse d'une énergie propre restera vaine.
Alors que le monde accélère sa décarbonation, nous devons veiller à ce que chaque panneau solaire, chaque éolienne, chaque batterie de voiture électrique repose sur la dignité, et non sur le désespoir. Toute autre solution serait une exploitation sous un nouveau visage.
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