D'Abuja à Kinshasa, le ton des débats énergétiques africains évolue. Pendant des décennies, les richesses minérales du continent ont été extraites et exportées sans grande valeur locale. Les combustibles fossiles promettaient la prospérité, mais étaient source de pollution, de corruption et de communautés isolées. Les énergies renouvelables étaient présentées comme la prochaine frontière, mais les investissements ont stagné, les tarifs douaniers sont restés élevés et les financements ont été bloqués dans des capitales lointaines.
Aujourd'hui, trois forces convergent pour redéfinir le rôle de l'Afrique dans la transition énergétique mondiale : le nationalisme des ressources, la finance ESG et la justice communautaire. Les signaux sont sans équivoque : les gouvernements revendiquent leur souveraineté sur les minéraux critiques, les investisseurs revoient leur approche de la gouvernance environnementale et sociale, et les sommets sur le climat exigent des résultats plutôt que des promesses.
Les enjeux sont considérables. L'Afrique détient 30% des réserves minérales mondiales, essentielles aux batteries, aux éoliennes et aux panneaux solaires. Elle bénéficie du meilleur potentiel solaire mondial, mais ne représente que 1% de capacité installée. Bien gérée, cette transition pourrait éclairer les foyers, créer des millions d'emplois et transformer l'Afrique d'une carrière en un pôle industriel. Mal gérée, elle risque de n'être qu'un siècle de plus. creuser, expédier, répéter.
Nationalisme des ressources : de la malédiction à l'effet de levier
Le nationalisme des ressources n'est pas nouveau en Afrique. Dans les années 1970, il se traduisait souvent par des nationalisations brutales et des relations hostiles avec les investisseurs. Aujourd'hui, il prend une forme plus stratégique. Des pays comme le Zimbabwe, la Namibie et la RDC exigent la transformation locale du lithium, du cobalt et du cuivre. Les redevances sont révisées, des interdictions d'exportation de minerai brut sont introduites et des coentreprises avec des entreprises publiques sont rendues obligatoires.
Les critiques affirment que cela effraiera les investisseurs. Ses partisans insistent sur le fait que c'est le seul moyen de briser le cycle de l'extraction à faible valeur ajoutée. Comme l'a rapporté DiscoveryAlertLes gouvernements africains resserrent la vis aux multinationales minières, non par idéologie, mais par nécessité. L'objectif est de s'approprier une plus grande part de la chaîne de valeur, de stimuler l'industrialisation et de créer des emplois.
Le risque est clair : si les politiques sont incohérentes ou mal appliquées, les capitaux fuiront. Mais l’opportunité est plus grande : transformer le nationalisme des ressources en levier de développement. Avec la forte demande en minéraux critiques, le lithium quintuplera d’ici 2040 et le cobalt devrait doubler. L'Afrique dispose d'un pouvoir de négociation qu'elle n'a jamais eu avec le pétrole. Utilisé à bon escient, il peut redéfinir les règles de l'extraction.
ESG : libérer la crédibilité des énergies renouvelables
Si le nationalisme des ressources est le bâton de l'Afrique, l'ESG en est la carotte. Les investisseurs mondiaux lient de plus en plus leurs capitaux aux normes environnementales, sociales et de gouvernance. Autrefois considérées comme une préoccupation occidentale, les questions ESG sont aujourd'hui devenues une bouée de sauvetage pour le continent.
CNBC Africa rapporte que les fonds alignés sur les critères ESG s'imposent comme la clé du financement des énergies renouvelables. Les investisseurs exigent des preuves de durabilité, d'inclusion des femmes et d'intégrité de la gouvernance avant de soutenir des projets. Pour l'Afrique, cela représente à la fois un défi et une opportunité.
Le défi : le manque de données, la faiblesse des institutions et les risques politiques minent souvent la crédibilité. Les notations ESG restent biaisées en faveur des grandes entreprises, marginalisant les PME et les projets communautaires. L’ouverture : si l’Afrique intègre les critères ESG dans ses plans énergétiques nationaux, elle pourra attirer des capitaux durables à grande échelle. Une coopérative de mini-réseaux en Ouganda ou une start-up de cuisine propre au Nigéria pourraient exploiter les indicateurs ESG pour attirer les investisseurs verts mondiaux.
En termes simples, l'Afrique ne peut se permettre de considérer l'ESG comme une simple case à cocher. Elle doit être intégrée à l'ADN de sa transition, des contrats miniers aux appels d'offres solaires.
Des finances qui tiennent leurs promesses : pour les personnes, pas pour les pipelines
Le message de clôture de la COP29 était clair : livrer. L’Afrique ne peut pas continuer à faire du commerce de promesses de dons alors que des millions de personnes restent dans l’ignorance. Rapport d'AllAfrica a souligné que le financement climatique ne parvient toujours pas à atteindre les communautés déplacées et les ménages vulnérables.
Trop souvent, des milliards sont promis en capitaux mais ruissellent lentement, voire pas du tout. Les subventions deviennent des prêts, les prêts alourdissent la dette, et les communautés constatent peu de changements. Pour donner un sens au financement, deux changements sont urgents :
- Prêts en monnaie locale. Les prêts en dollars gonflent les tarifs douaniers lorsque les monnaies se déprécient, rendant l'énergie propre inabordable. Les financements doivent être acheminés vers l'argent réellement utilisé.
- Accès direct à la communauté. Les coopératives de femmes, les autorités municipales et les PME locales devraient pouvoir accéder à des financements concessionnels, et pas seulement les gouvernements et les services publics.
La justice exige que la finance soit jugée non pas au nombre de gigawatts qu’elle installe, mais au nombre de foyers qu’elle électrifie.
Emplois et moyens de subsistance : la véritable mesure de la transition
Les énergies renouvelables ne se limitent pas à la réduction des émissions, mais contribuent aussi aux moyens de subsistance. FSD Africa prévoit la création de 3,3 millions d'emplois verts en Afrique d'ici 2030, principalement dans les secteurs de l'énergie solaire, de l'éolien et de la cuisson propre. Mais cela ne se fera pas automatiquement.
Si les mines ferment sans reconversion, les travailleurs seront abandonnés. Si les panneaux solaires sont importés sans assemblage local, des emplois disparaîtront à l'étranger. Si les femmes restent exclues des industries vertes, les inégalités se creuseront.
Le véritable test d'une transition juste en Afrique n'est pas technique ; il est social. Un ouvrier du charbon du Mpumalanga devrait se voir proposer des formations de reconversion ; un agriculteur sénégalais devrait avoir accès à l'irrigation solaire ; une femme de Lagos devrait créer une entreprise de cuisson propre. L'emploi et les moyens de subsistance doivent être la mesure du succès.
Le paradoxe solaire : importations contre industrie
L'Afrique a importé un volume record de 15 GW de panneaux solaires l'année dernière, principalement de Chine. D'un côté, cela témoigne de l'appétit et de la demande. De l'autre, cela révèle un paradoxe : l'Afrique installe des panneaux solaires, mais n'en produit pas. Les panneaux sont importés, tandis que la valeur est exportée.
Pour briser ce paradoxe, l'Afrique doit développer ses capacités de production nationales, au moins pour l'assemblage, les onduleurs et les batteries. Sinon, le solaire risque de devenir une nouvelle dépendance. Le rêve de souveraineté énergétique s'effacera face à la réalité des factures d'importation.
Ce que l'Afrique devrait exiger à la COP30
À l’approche de la COP30, l’Afrique a une chance unique de relier ces fils en une demande cohérente :
- Financement en monnaie locale, lié aux emplois et aux avantages communautaires.
- Nationalisme des ressources, présenté comme une juste valeur ajoutée, et non comme un isolationnisme.
- L'ESG comme référence, pas une réflexion après coup.
- Mesures de l'accès à l'énergie, pour garantir que personne ne soit laissé dans l’ignorance.
- Coopération régionale, harmoniser les politiques pour éviter une course vers le bas.
Le message doit être clair : l’Afrique ne renoncera pas à ses promesses. Elle renoncera seulement à la justice, à l’emploi et à l’éclairage.
L'essentiel
L'Afrique n'est pas un acteur passif de la transition énergétique. Elle est la gardienne des ressources, la frontière de la précarité énergétique et l'arène où la justice sera mise à l'épreuve. Le nationalisme des ressources n'est plus un gros mot ; c'est un argument de négociation. Et les critères ESG sont le passeport de l'Afrique pour la finance.
Le continent dispose d'un levier, mais seulement s'il l'utilise de manière stratégique. C'est le moment pour l'Afrique de s'élever en exportant de la valeur, de la justice et de l'espoir.
L'Afrique ne renoncera pas à ses promesses. Elle renoncera seulement à la justice, à l'emploi et à l'éclairage.
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Vincent Egoro est une voix africaine de premier plan en matière de transition énergétique juste, d'élimination progressive des combustibles fossiles et de gouvernance des minéraux critiques. Fort de plus de dix ans d'expérience en plaidoyer régional, il œuvre à l'intersection de la transparence, de la responsabilité et de la durabilité, promouvant des solutions communautaires qui placent l'Afrique au cœur de l'action climatique mondiale.


