Alors que le monde se tourne vers le Sommet africain sur le climat qui se tiendra le mois prochain, les négociateurs tournent déjà autour d’une phrase controversée : « s’éloigner des combustibles fossiles ». Pour les délégués africains, la leçon des COP précédentes est claire : une phrase sans plan de financement n’est pas une voie à suivre, mais un communiqué de presse. Sur un continent où les réseaux électriques restent fragiles, où les emprunts sont coûteux et où les devises peuvent chuter du jour au lendemain, l’Afrique ne tiendra pas ses promesses. Toute sortie accélérée du charbon, du pétrole et du gaz doit être conditionnée à des financements effectifs, à une gestion des risques crédible et à des lignes électriques qui acheminent l’électricité vers les communautés locales. C’est un compromis qui vaut la peine d’être conclu, et le seul qui soit durable.
Ce que signifie « retrait progressif » d’un siège africain à la table des négociations
Après la COP28, le bilan mondial a introduit un langage sur transition des combustibles fossiles. C'était historique, mais volontairement élastique. Pour les États africains, cette élasticité constitue un handicap, à moins d'être assortie de chiffres concrets et d'instruments financiers. Le Groupe africain de négociateurs (GAN) a maintes fois lié ambition, équité et financement, arguant que les calendriers d'élimination progressive doivent refléter la responsabilité et les capacités, et non la rhétorique. Sans capitaux concessionnels, outils de gestion du risque de change et dépenses pour le réseau, les gouvernements africains finissent par payer le prix fort pour les technologies les moins chères au monde, puis subissent les pressions politiques lorsque les promesses sont plus longues à tenir.
Cette prudence n'est pas de l'obstructionnisme. C'est une question de logistique. Sur tout le continent, le financement climatique a augmenté, mais reste bien en deçà des besoins. Initiative pour la politique climatique (IPC) Les flux vers l'Afrique ont augmenté de 481 TP3T entre 2019/20 et 2021/22, pour atteindre environ 144 à 50 milliards de TP3T par an, ce qui reste une fraction de ce qui est nécessaire pour transformer rapidement les systèmes énergétiques. Plusieurs évaluations évaluent la part de l'Afrique dans le financement climatique mondial à environ 2 à 31 TP3T, un décalage avec une région qui abrite des populations parmi les plus dynamiques et les plus déficits d'accès à l'énergie.
Le prix des promesses : la finance, les devises et le réseau électrique
Si la diplomatie climatique veut obtenir des signatures africaines dans le cadre d’un langage plus fort en faveur de l’élimination progressive des énergies fossiles, le prix à payer est triple : (1) un financement concessionnel à grande échelle ; (2) des solutions de risque de change qui réduisent le coût du capital ; et (3) des investissements dans le réseau qui permettent de transférer réellement les électrons vers les populations et l’industrie.
Finance. La Banque africaine de développement (BAD) estime à environ $454 milliards, environ $64 milliards Un an d'ici 2030 est nécessaire pour atteindre l'accès universel et soutenir la croissance. Ce chiffre n'est pas une liste de souhaits ; il représente le coût d'un rattrapage rapide des réseaux, de la production et des connexions du dernier kilomètre. Même la Banque mondiale et la BAD ont fait de même. Mission 300 Cette initiative, qui vise à connecter 300 millions de personnes d’ici 2030, ne sera efficace que si les fonds de réforme et les capitaux privés sont véritablement mobilisés, et pas seulement promis.
Risque de change. Le paradoxe africain est cruel : le solaire et l’éolien sont bon marché, mais les projets restent coûteux, car le financement est majoritairement en dollars ou en euros, tandis que les revenus sont locaux. La dépréciation et la volatilité des monnaies gonflent les tarifs douaniers ou ruinent les bilans. Une nouvelle analyse montre que le transfert du financement des projets d’énergie propre vers la monnaie localeAssociée à des politiques et à une réduction des risques, elle peut réduire les coûts d'investissement jusqu'à 31% et les coûts de l'électricité livrée jusqu'à 29%. Si les négociateurs souhaitent que les ministres africains accélèrent les calendriers de réduction progressive, des guichets de change et des garanties dédiés doivent être intégrés à toute nouvelle architecture de financement climatique.
La grille. Annoncer des gigawatts est facile ; fournir des kilowattheures aux cliniques, aux usines et aux foyers est plus difficile. Le transport et la distribution sont au cœur d'une élimination progressive et ordonnée. Les besoins d'accès de la BAD impliquent des dizaines de milliards de dollars par an pour les lignes, les sous-stations et les systèmes intelligents ; sans eux, les nouvelles énergies renouvelables s'échouent dans les déserts et les plaines côtières. Les dépenses consacrées au réseau constituent également une couverture politique : les gens pardonnent les abandons du charbon lorsque les lumières restent allumées et que les factures sont prévisibles.
L'Afrique ne renoncera pas à ses promesses. Mettez la finance, les changes et les réseaux électriques sur la table, et l'ambition s'écrira d'elle-même.
L'Afrique du Sud, un test de résistance
L'Afrique du Sud demeure un modèle régional. Son Plan d'investissement pour une transition énergétique juste (JET-IP) canalise les financements concessionnels vers les énergies renouvelables, les réseaux électriques et le soutien social. Pourtant, comme le montre la centrale à charbon de Komati, le démantèlement n'est pas un événement marquant ; il s'agit d'une chaîne logistique impliquant des acteurs. Une évaluation de la Commission présidentielle sur le climat, réalisée en juin 2025, met en évidence des progrès et des retards : des goulots d'étranglement dans les approvisionnements, des retombées locales inégales et la nécessité de concentrer les efforts sur les résultats communautaires avant la mise en service des unités. Si l'économie la plus industrialisée du continent peine à s'organiser et à se déployer, imaginez les frictions ailleurs. La leçon à tirer pour les négociateurs : lier les calendriers de démantèlement progressif à des financements crédibles et à des objectifs de réseau, et non l'inverse.
Le test civil : accès et accessibilité financière
La question fondamentale de la société civile est simple : une sortie accélérée des énergies fossiles améliorera-t-elle la vie quotidienne ? Si cette sortie coïncide avec une hausse des tarifs douaniers, des coupures de courant plus longues ou des pertes d’emplois, la situation politique s’effondrera. C’est pourquoi la Mission 300 est importante : elle considère l’accès – et non seulement les tonnes de CO₂ évitées – comme le critère de réussite. C’est aussi pourquoi les solutions en devises et en monnaie locale ne sont pas des détails techniques ; elles font la différence entre un mégawatt que les communautés peuvent financer et un autre qu’elles ne peuvent pas financer.
Et c'est pourquoi l'argent du réseau est indiscutable. Les déficits énergétiques du continent sont profondément géographiques : les centres urbains accumulent souvent la fiabilité tandis que les régions périphériques attendent. Sans nouveaux câbles, l'accélération de la sortie des énergies fossiles risque de consolider cette géographie. Le financement doit s'implanter là où les lignes n'existent pas encore.
Un accord réalisable pour les capitales de la COP
Si les négociateurs africains doivent accepter des «transition" Voici les grandes lignes d'un marché qui le rendrait réel :
- Un nouvel objectif collectif quantifié (NCQG) avec une fenêtre « FX et grilles » délimitée : Affecter une part fixe du financement climatique annuel à l'atténuation du risque de change et au transport/distribution. Publier des références de coûts unitaires et des objectifs de raccordement par pays.
- Installations en monnaie locale à grande échelle : Développer les prêts des banques de développement en monnaies locales ; les combiner avec des systèmes de garantie pour réduire le coût moyen pondéré du capital (CMPC) pour les énergies renouvelables et le stockage.
- Pactes de transition juste axés sur la livraison en premier lieu : Lier les calendriers de retrait du charbon/gaz à des avantages communautaires vérifiables ; emplois, approvisionnement des PME, reconversion professionnelle, financement initial, et non promesse ultérieure. Utiliser les résultats mitigés de Komati comme guide de conception.
- Les métriques d'accès comme conditionnalité : Lier le financement concessionnel aux nouvelles connexions et aux améliorations de la fiabilité, et pas seulement à la capacité installée. Cela permet d'aligner la suppression progressive sur le vécu des populations.
Il ne s'agit pas de charité. Comme le souligne l'IPC, les avantages économiques d'une hausse des températures de 1,5 °C dépassent largement les coûts. Mais l'Afrique ne peut pas payer la dette morale du monde riche avec les factures d'électricité des ménages pauvres.
Ne confondez pas le matériel avec la transition
Les importations record de panneaux solaires sont porteuses d'espoir : les prix se sont effondrés et l'adoption explose. Mais les importations ne sont pas des institutions. Sans couverture de change, réseaux et gouvernance, le matériel le moins cher peut devenir la politique la plus coûteuse, surtout lorsque les devises chutent. La transition énergétique du continent doit être financée en harmonie avec son économie politique : davantage en monnaie locale, davantage pour les réseaux électriques et davantage pour les populations. Le reste n'est qu'un communiqué.
« Les importations ne sont pas des institutions : sans couverture de change ni virements, le matériel le moins cher devient la police la plus coûteuse. »
En résumé : L'Afrique accélérera sa sortie des énergies fossiles si le plan respecte les principes comptables et la dignité. Mettez la finance, les changes et les réseaux électriques sur la table, et le discours sur la sortie progressive s'écrira tout seul.
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