Old mining contracts stacked in front of an African mine site, symbolising rigid agreements that limit Africa’s resource governance and just transition.
Les contrats miniers rigides ont longtemps privilégié les profits au détriment des personnes — une réforme est essentielle pour une transition juste.

Accords miniers en Afrique : se libérer du passé

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En 1998, le gouvernement d'un pays africain riche en minéraux a signé un accord de 30 ans avec une société minière internationale. Cet accord promettait des emplois, des infrastructures et des redevances. Vingt ans plus tard, les communautés riveraines de la mine vivent toujours dans des écoles en mauvais état, des terres dégradées et une eau impropre à la consommation. L'entreprise, quant à elle, a engrangé des milliards.

Il ne s'agit pas d'un cas isolé. Partout sur le continent, les accords miniers à long terme ont trop souvent enfermé les gouvernements dans des conditions rigides qui limitent leur capacité d'adaptation, la perception de revenus équitables ou la protection des communautés. Ces contrats, rédigés en petits caractères sous forme de “ clauses de stabilisation ”, gèlent les impôts, les redevances et la réglementation pendant des décennies, protégeant ainsi les entreprises des aléas politiques ou des fluctuations du marché.

Dans un monde qui s'engage à toute vitesse dans la transition énergétique, de tels accords sont non seulement obsolètes, mais aussi dangereux. Ils risquent de priver les gouvernements africains de moyens de mobiliser leurs richesses minières pour financer les énergies renouvelables, moderniser les réseaux et soutenir une transition juste.

Le problème de la “ stabilisation ”

Au cœur du problème se trouvent les clauses de stabilisation. Elles peuvent paraître anodines, un moyen d'apporter une certaine sécurité aux investisseurs. Mais en pratique, elles enferment les gouvernements dans des arrangements injustes.

Imaginez un État africain signant un contrat minier de 25 ans en 2000. En 2015, les prix mondiaux des matières premières flambent ou de nouvelles normes environnementales deviennent urgentes. Si l'État souhaite augmenter les redevances, renforcer les garanties ou introduire de nouvelles dispositions relatives aux avantages pour la communauté, la clause de stabilisation l'interdit. Le gouvernement doit soit maintenir ces conditions obsolètes, soit s'exposer à un arbitrage coûteux devant les tribunaux internationaux.

Cette rigidité prive les pays de la souveraineté nécessaire pour s'adapter aux réalités dynamiques. Au lieu d'être des instruments vivants évoluant au gré des contextes économiques et sociaux, les contrats deviennent des carcans. Parallèlement, les multinationales bénéficient de profits garantis, souvent garantis par des systèmes juridiques internationaux qui leur sont favorables. La stabilisation, de fait, se transforme en fossilisation, figeant les cadres de gouvernance au détriment du développement, de l'action climatique et de la justice.

La société civile exige un changement

Les groupes de la société civile africaine tirent depuis longtemps la sonnette d'alarme. Du Ghana à la Tanzanie, de la République démocratique du Congo à la Guinée, des organisations ont documenté comment les clauses de stabilisation et les clauses contractuelles laxistes privent les États de milliards de dollars de revenus potentiels. Leur plaidoyer a non seulement révélé le coût des mauvais accords, mais aussi mis en lumière les pistes vers une gouvernance plus équilibrée.

Le Vision minière africaine (VMA), adoptée en 2009, incarne nombre de ces exigences. Elle appelle à des contrats transparents, équitables et flexibles qui placent les populations africaines au cœur de la gouvernance des ressources. Pourtant, sa mise en œuvre tarde. Trop souvent, les élites politiques nationales tirent profit d'accords opaques, tandis que les financiers internationaux encouragent des accords qui privilégient la “ certitude des investisseurs ” aux résultats en matière de développement.

Les groupes de la société civile réclament un renforcement des capacités de négociation au sein des gouvernements. Ils affirment que des unités spécialisées dans les contrats miniers, composées de juristes, d'économistes et de géologues, peuvent uniformiser les règles du jeu lors des négociations avec les multinationales qui déploient souvent des équipes de consultants internationaux. Ils soulignent également la nécessité d'une coopération régionale afin d'éviter un nivellement par le bas où les pays africains se concurrencent pour attirer des investisseurs avec des redevances et des exonérations toujours plus faibles. Sans de telles réformes, l'exploitation minière restera une source de conflits et d'inégalités, plutôt qu'une source d'autonomisation.

Le coût d'opportunité : la transition énergétique

Le débat sur les accords miniers est indissociable de la transition énergétique. Les minéraux critiques tels que le cobalt, le lithium, le manganèse et les terres rares sont essentiels à la transition mondiale vers les énergies renouvelables et la mobilité électrique. L’Afrique détient certaines des plus grandes réserves de ces ressources, positionnant le continent comme une puissance potentielle dans l’économie de l’énergie propre.

Pourtant, si les contrats restent rigides et déséquilibrés, l'Afrique risque de répéter les erreurs de l'ère des énergies fossiles : exporter des matières premières à bas prix tout en important des produits manufacturés à prix élevé. Par exemple, le cobalt extrait en RDC pourrait alimenter des voitures électriques en Europe, tandis que les communautés congolaises dépendent encore de générateurs diesel. L'absence de contrats équitables et flexibles empêche les gouvernements de capter des revenus exceptionnels ou d'exiger des engagements en matière de valeur ajoutée.

C'est le coût d'opportunité d'une mauvaise gouvernance. Chaque dollar bloqué par des clauses de stabilisation injustes est un dollar qui pourrait financer des mini-réseaux solaires, moderniser les réseaux de transport ou favoriser un accès à l'énergie inclusif pour les femmes. La gouvernance minière est donc une gouvernance de transition énergétique. À moins de réformer les contrats, L’Afrique restera un fournisseur de matières premières pour la décarbonisation mondiale alors que sa population continue de vivre dans la précarité énergétique.

Repenser la souveraineté dans les contrats

Il est de plus en plus reconnu que la souveraineté ne se limite pas à la signature d'accords, mais qu'elle doit aussi les façonner de manière à ce qu'ils soient adaptables, inclusifs et pérennes. Les gouvernements doivent conserver le droit d'ajuster les conditions budgétaires, de renforcer les protections environnementales et d'exiger un contenu local en fonction de l'évolution de la situation. Cela implique de rejeter l'idée selon laquelle la stabilité pour les investisseurs doit rimer avec l'immobilité pour les gouvernements.

Flexibilité ne rime pas avec instabilité. Elle implique la conception d'accords qui tiennent compte des réalités dynamiques, de la fluctuation des prix des minéraux, des nouveaux objectifs climatiques internationaux et de l'évolution des demandes des communautés. Des pays comme le Botswana ont démontré qu'une renégociation était possible, en utilisant les revenus du diamant pour construire des infrastructures et des services sociaux. D'autres, comme la Tanzanie, ont cherché à réécrire des contrats injustes afin de rétablir l'équilibre budgétaire. Ces exemples démontrent que la souveraineté peut être reconquise si la volonté politique s'accorde avec les capacités institutionnelles.

Pour l'avenir de l'Afrique, la question n'est pas de savoir si les contrats doivent évoluer, mais comment les concevoir pour garantir leur adaptabilité tout en préservant la confiance des investisseurs. Les contrats miniers durables sont ceux qui permettent aux gouvernements de s'adapter au changement sans compromettre les objectifs de développement ni les droits des communautés. C'est ce type de souveraineté que l'Afrique doit revendiquer en cette période de transition.

De la compétition à la coopération

L'une des plus grandes faiblesses de l'Afrique réside dans sa fragmentation. Trop souvent, les pays voisins se font concurrence pour attirer les investissements, proposant des conditions de plus en plus précaires, des impôts plus bas, des redevances plus faibles et des garanties affaiblies. Ce “ nivellement par le bas ” profite aux investisseurs, mais érode le pouvoir de négociation collectif des États africains.

La coopération régionale offre une solution. Si les pays partagent des informations, alignent leurs cadres budgétaires et négocient à partir d'une position commune, ils peuvent modifier l'équilibre des pouvoirs. Des initiatives comme la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) laissent déjà entrevoir de nouvelles formes de coordination économique. La gouvernance minière pourrait s'appuyer sur cette dynamique en établissant des repères continentaux ou régionaux pour éviter toute sous-cotation.

La solidarité transfrontalière n'est pas seulement une question économique. C'est aussi une question de justice. Au Ghana, en Guinée, en Zambie et en RDC, les communautés sont confrontées à des difficultés similaires : déplacements, pollution et exclusion. Une approche coordonnée garantit que les réformes profitent non seulement aux États, mais aussi aux populations régionales. Elle contribue également à positionner l'Afrique comme un acteur unifié dans les chaînes d'approvisionnement mondiales en minéraux critiques, plutôt qu'une mosaïque de concurrents faibles.

Une transition juste exige des contrats justes

La poussée mondiale en faveur d’une transition énergétique juste ne peut réussir si les pays africains restent prisonniers d’accords miniers abusifs. Des contrats équitables, transparents et flexibles ne sont pas un luxe, mais une condition préalable à la résilience. Elles déterminent si les richesses minières financent les écoles et les cliniques ou disparaissent à l'étranger. Elles déterminent si les énergies renouvelables sont développées pour les communautés africaines ou exportées ailleurs.

La société civile a été claire : la gouvernance des ressources est indissociable de la justice climatique. Les revenus miniers doivent être consacrés à l’alimentation des foyers, à la création d’emplois, et bâtir des économies durables. Les contrats ne sont pas de simples documents juridiques ; ce sont des projets politiques pour l’avenir. S’ils continuent de privilégier le profit au détriment des personnes, la transition sera un échec pour ceux qui en ont le plus besoin.

Le choix est clair. L'Afrique peut soit s'accrocher à des contrats rédigés dans la langue du passé, soit insister sur des accords qui assurent son avenir. La gouvernance minière est une gouvernance de transition énergétique. Si les contrats ne sont pas repensés, l'Afrique risque d'exporter son avenir tout en important la pauvreté. Mais s'ils sont réécrits avec courage et clairvoyance, ils peuvent devenir des instruments d'autonomisation, de justice et de renouveau.

“ La gouvernance minière est une gouvernance de la transition énergétique. Sans réforme, l'Afrique risque d'exporter son avenir tout en important la pauvreté. ”

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Responsable de la région Afrique à  |  + de messages

Vincent Egoro est une voix africaine de premier plan en matière de transition énergétique juste, d'élimination progressive des combustibles fossiles et de gouvernance des minéraux critiques. Fort de plus de dix ans d'expérience en plaidoyer régional, il œuvre à l'intersection de la transparence, de la responsabilité et de la durabilité, promouvant des solutions communautaires qui placent l'Afrique au cœur de l'action climatique mondiale.

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