Solar panels beside a diesel generator emitting smoke in a rural African landscape.
Un mini-réseau hybride — panneaux solaires au premier plan, énergie diesel en arrière-plan — reflète le dilemme silencieux de l'Afrique entre ambition énergétique propre et dépendance aux énergies fossiles.

Accès à l'énergie, mini-réseaux et le dilemme caché des énergies fossiles : l'énergie solaire qui fonctionne encore au diesel

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Alors que le soleil se couche sur un village du nord de la Tanzanie, le mini-réseau solaire s'anime, illuminant les maisons plongées dans l'obscurité. Les enfants se rassemblent pour recharger leurs téléphones, les commerçants maintiennent leurs échoppes ouvertes après la tombée de la nuit, et le bruit des générateurs diesel s'estompe. Mais à minuit, lorsque les batteries faiblissent et que les nuages obscurcissent le ciel, un bruit familier revient : le grondement sourd des moteurs diesel. Les lumières restent allumées, mais l'air s'imprègne d'une forte odeur d'essence.

C’est le paradoxe silencieux de la transition énergétique propre en Afrique. Sur tout le continent, les mini-réseaux et les systèmes solaires domestiques sont célébrés comme des symboles d'innovation, de décentralisation et de résilience. Ces systèmes électrifient des écoles et alimentent des exploitations agricoles bien au-delà des réseaux électriques nationaux. Pourtant, derrière cette réussite se cache un compromis avec les énergies fossiles, rarement reconnu. La plupart de ces systèmes dépendent encore du diesel pour fonctionner, notamment la nuit, pendant la saison des pluies ou lors des pics de consommation. La technologie présentée comme propre fonctionne souvent au carbone.

L’illusion d’une électrification hors réseau “ propre ”

L'Afrique est devenue l'épicentre mondial des énergies renouvelables décentralisées. Selon la Banque mondiale, plus de 3 000 mini-réseaux sont opérationnels en Afrique subsaharienne, et 9 000 autres sont prévues d'ici 2030. Le Nigéria, le Kenya et la Tanzanie sont à la pointe des installations, soutenues par des programmes de donateurs.

Mais derrière les panneaux solaires et les brochures marketing, l'architecture du réseau raconte souvent une tout autre histoire.

Un rapport de 2024 du Association africaine de l'industrie solaire (AFSIA) On estime que près de 65 à 70 % des mini-réseaux africains sont des systèmes hybrides, combinant énergie solaire et diesel. En Afrique de l'Est, moins d'un mini-réseau rural sur dix fonctionne exclusivement à l'énergie solaire. Au Nigéria, environ 80 % des systèmes “ hybrides solaires ” exploités par le secteur privé comprennent des générateurs diesel de secours. Pour les développeurs d'énergie et les gouvernements, cette approche est qualifiée de “ pragmatisme ”. Pour le climat, il s'agit d'un recul insidieux.

Pourquoi y a-t-il encore du diesel dans le système ?

1. Intermittence et coûts des batteries

La production solaire est maximale à midi ; la demande est maximale la nuit. Le stockage des batteries lithium-ion reste coûteux, souvent plus cher que l’installation solaire elle-même. Selon IRENA, le stockage peut ajouter 35 à 50 % au coût d'un mini-réseau. Le diesel est tout simplement moins cher et plus prévisible lorsque les batteries sont déchargées.

2. Les règles de financement favorisent les véhicules hybrides

Les organismes multilatéraux de financement et les investisseurs privés privilégient les systèmes avec alimentation de secours au diesel car ils réduisent le risque financier. Un mini-réseau qui tombe en panne pendant les semaines nuageuses est un actif défaillant ; un système qui bascule sur le diesel assure la continuité des revenus.

3. Distorsions liées aux subventions

Le Nigéria, l'Angola, l'Égypte et l'Algérie subventionnent encore le diesel et l'essence. Dans certains pays, le diesel destiné aux mini-réseaux est exempté de droits de douane. Les panneaux solaires sont importés et taxés, tandis que le diesel est bon marché et produit localement.

4. Pression de développement

La nécessité politique de fournir rapidement de l'électricité, notamment avant les élections, pousse les gouvernements à choisir des systèmes hybrides plus faciles à déployer que les micro-réseaux entièrement renouvelables.

Études de cas : Quand l'énergie solaire rencontre le diesel

🇳🇬 Nigéria – Le paradoxe solaire

Le Nigéria possède plus de mini-réseaux que tout autre pays africain, mais il gère également l'un des plus importants marchés de générateurs diesel au monde, avec une consommation annuelle de plus de 2 milliards de litres. Des développeurs comme Havenhill, Rubitec et Husk Power Systems installent des mini-réseaux “ hybrides solaires ”, mais chaque installation inclut du diesel. Dans certaines zones rurales, les générateurs diesel fonctionnent jusqu'à 401 000 heures par an pendant les saisons nuageuses.

🇰🇪 / 🇹🇿 Kenya et Tanzanie – Dépendance silencieuse

PowerGen et Jumeme exploitent des centrales mixtes solaires-diesel sur des îles isolées du lac Victoria. Si ces projets permettent un accès à l'électricité qui change la vie des habitants, le transport hebdomadaire de carburant par voie maritime augmente les coûts et les émissions.

🇸🇱 Sierra Leone – Énergie solaire intégrale, énergies fossiles forcées

Le projet d'énergie renouvelable rurale de Sierra Leone prévoyait le déploiement de 94 mini-réseaux solaires. Cependant, après deux saisons des pluies et des défaillances de batteries, des générateurs diesel ont été ajoutés sur 37 sites pour stabiliser l'alimentation électrique.

Le coût du carbone — Une énergie propre aux effets néfastes

Une étude du World Resources Institute (2024) estime que les mini-réseaux hybrides en Afrique émettent plus de 10 millions de tonnes de CO₂ par an, soit l'équivalent de la combustion de 4,5 milliards de litres de diesel. Un mini-réseau de 50 kWc fonctionnant au diesel 30 % du temps émet en moyenne entre 75 et 90 tonnes de CO₂ par an.

À titre de comparaison :

  • Un village rural alimenté uniquement par des générateurs diesel émet : 150 à 200 tonnes de CO₂ par an
  • Un village alimenté exclusivement par l'énergie solaire et fonctionnant avec un mini-réseau émet : 0 à 5 tonnes de CO₂ par an
  • Un village hybride diesel-solaire émet : 60 à 100 tonnes de CO₂ par an

L’Afrique réduit donc ses émissions, mais crée aussi une nouvelle dépendance.

Le coût humain des transitions incomplètes

Il ne s'agit pas simplement d'émissions de carbone. Le diesel utilisé dans ces systèmes est transporté sur des milliers de kilomètres, souvent à travers des zones de conflit, et s'infiltre dans les sols et les cours d'eau. Les villageois paient entre 0,60 et 1,20 THB par kWh d'électricité, un prix parmi les plus élevés au monde. Lorsque le prix du diesel flambe, l'électricité est coupée.

On fait croire aux communautés qu'elles participent à une révolution solaire. Or, ce qu'elles obtiennent, c'est une solution hybride et transitoire, qui ne se libère pas des énergies fossiles, n'est pas pleinement souveraine et reste toujours vulnérable.

Ce qui doit changer, de l'hybride au véritablement vert

L’Afrique peut passer de mini-réseaux dépendants des énergies fossiles à des systèmes entièrement renouvelables grâce à quatre changements décisifs :

1. La transition vers la batterie

  • La fabrication locale de batteries lithium-ion et sodium-ion devrait être privilégiée dans les pays riches en minéraux comme la RDC, le Zimbabwe et la Namibie.
  • Le financement des donateurs doit passer de la subvention des panneaux à la subvention du stockage.

2. Mettre fin aux subventions fiscales sur le diesel dans le secteur de l'énergie

  • Le diesel utilisé dans les mini-réseaux ne doit pas être exonéré de taxe.
  • Des pays comme le Kenya ont déjà instauré des “ tarifs verts ”. D'autres peuvent suivre.

3. Financer ce qui est propre, pas ce qui est pratique

  • Le programme DARES (Distributed Access through Renewable Energy Scale-up) de la Banque mondiale devrait privilégier les mini-réseaux sans énergies fossiles.
  • Les banques africaines, la BAD, l'Afreximbank et les fonds souverains, doivent cofinancer le stockage local de batteries.

4. Propriété énergétique locale

  • Les modèles communautaires permettent de réduire la dépendance au diesel car les revenus restent locaux et financent le réinvestissement dans le stockage.

Un avenir au-delà des générateurs de secours

La véritable question n'est plus de savoir si l'Afrique peut s'électrifier, mais plutôt si cette électricité sera décarbonée ou dépendante des énergies fossiles. Les mini-réseaux doivent être des étapes vers la souveraineté, et non de simples extensions de la dépendance au diesel.

Pour que la transition énergétique soit juste, l'Afrique ne doit pas se contenter d'éclairer les villages. Elle doit choisir ce qui alimente ces éclairages.

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