African landscape with refineries fading into solar and wind farms under evening light, symbolising the continent’s energy transition.
Un contraste visuel entre les infrastructures pétrolières et les énergies renouvelables, symbolisant la lutte de l'Afrique entre la dépendance aux énergies fossiles et la transition vers une énergie propre.

Seul un tiers des engagements nationaux en matière de climat incluent l'élimination progressive des combustibles fossiles : où se situe l'Afrique ?

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C'est le genre de statistique qui semble bien trop faible au regard de l'ampleur du problème.
Seul un tiers environ des engagements nationaux actualisés en matière de climat dans le monde mentionne les termes “ élimination progressive ” ou “ réduction progressive ” des combustibles fossiles.

Cette découverte, publiée par Résumé sur le carbone Dans sa dernière analyse des contributions déterminées au niveau national (CDN) actualisées, le constat est à la fois prévisible et inquiétant. Sur les soixante-trois nouveaux plans climatiques soumis aux Nations Unies cette année, seuls vingt-trois font mention de la réduction ou de l'élimination de la production d'énergies fossiles. Les autres restent muets sur le sujet, ou prévoient discrètement de l'accroître.

Le tableau global est suffisamment préoccupant. Pour l'Afrique, c'est une question existentielle.

Un continent encore pris entre extraction et transition

Sur tout le continent, les engagements climatiques reflètent une ambition affichée et une contradiction dans la pratique. Nombre de pays africains parlent de transition, mais rares sont ceux qui ont formulé des mesures concrètes et fermes concernant les énergies fossiles.

Certains pays, comme le Kenya et le Maroc, privilégient le développement des énergies renouvelables. D'autres, tels que le Nigeria, l'Angola, le Mozambique et le Sénégal, continuent de miser massivement sur le pétrole et le gaz comme moteurs de développement. Entre le discours sur la transition et la réalité de la dépendance se trouve le dilemme le plus profond de l'Afrique. Comment industrialiser et étendre l'accès à l'énergie sans renforcer précisément l'économie fossile que le monde tente d'abandonner ?.

Le cas du Nigéria est emblématique. Son plan de transition énergétique prévoit la neutralité carbone d'ici 2060, mais ses objectifs à court et moyen terme reposent encore sur le développement des infrastructures gazières. De nouvelles raffineries sont construites, de nouveaux gazoducs financés et de nouveaux gisements marginaux autorisés, le tout au nom de la sécurité énergétique. Parallèlement, les investissements dans les énergies renouvelables restent fragmentés, sous-financés et souffrent d'un manque de soutien politique.

En substance, la plus grande économie énergétique d'Afrique se prépare à un avenir propre tout en misant encore plus sur les combustibles fossiles pour le financer.

Cette contradiction n'est pas propre au Nigéria. Elle reflète un problème structurel qui touche tout le continent : un discours de transition dominé par l'aspiration mais contraint par l'économie, la politique et la dépendance.

La logique du retard

Interrogés sur les raisons pour lesquelles les énergies fossiles demeurent au cœur de leurs plans de développement, les décideurs politiques africains donnent souvent des réponses convenues. Elles ne sont pas fausses, mais elles sont incomplètes.

Tout d'abord, la précarité énergétique. Près de 600 millions d'Africains n'ont toujours pas accès à l'électricité, et des centaines de millions dépendent de la biomasse pour cuisiner. Dans ces conditions, les combustibles fossiles apparaissent moins comme un problème que comme une ressource vitale.

Deuxièmement, la dépendance fiscale. Le pétrole et le gaz représentent encore plus de la moitié des recettes d'exportation dans plusieurs économies africaines, fournissant les recettes budgétaires qui financent les écoles, les hôpitaux et les salaires.

Troisièmement, la question de la préparation industrielle. Les infrastructures, les compétences et les financements nécessaires à une transition vers une industrialisation à grande échelle fondée sur les énergies renouvelables restent rares. Les gouvernements s'appuient donc sur l'existant, la chaîne de valeur des énergies fossiles, espérant l'utiliser comme tremplin vers un avenir plus propre.

Le problème, c'est que chaque pont construit grâce aux revenus tirés des combustibles fossiles risque de devenir une route qui ramène au même point.

C’est la “ logique du retard ” : un discours qui retarde le changement structurel en prétendant le rendre possible.

Le tiers manquant de la transition

Si seulement un tiers des CDN mondiales s'engagent explicitement à éliminer progressivement les combustibles fossiles, cela signifie que les deux tiers restants esquivent la question ou la contournent. Ce silence est politiquement opportun, mais économiquement dangereux.

Pour l'Afrique, cette omission comporte au moins quatre implications majeures..

D'abord, Cela menace la compétitivité à long terme. L’économie mondiale évolue vers une économie plus efficace en termes de réduction des émissions de carbone. Les pays qui continuent de fonder leur croissance sur les infrastructures fossiles seront confrontés à un rétrécissement de leurs marchés d’exportation et à un durcissement des conditions financières. D’ores et déjà, les organismes de financement engagés dans la lutte contre le changement climatique examinent les portefeuilles afin d’identifier les risques liés à la transition énergétique.“

Deuxième, Cela fragilise la confiance des investisseurs. Le manque de clarté des signaux concernant les trajectoires de sortie des énergies fossiles complique l'évaluation des risques et la conception de projets à long terme. Les investisseurs ont besoin de certitudes. L'absence de dispositions relatives à la transition énergétique dans les CDN leur indique qu'il n'y en a aucune.

Troisième, Cela compromet la justice climatique. L'Afrique contribue à moins de quatre pour cent des émissions mondiales, et pourtant, elle subit les conséquences climatiques les plus graves. Une transition juste devrait inclure le droit à l'accès à l'énergie, mais aussi la responsabilité d'éviter un nouveau verrouillage carbone. Sans plans de sortie de crise explicites, le discours sur la justice se réduit à une revendication d'exception perpétuelle.

Quatrième, Elle perpétue le modèle extractif. En ne fixant pas de limites à l'expansion des ressources fossiles, les gouvernements renforcent un système dans lequel l'Afrique demeure un fournisseur d'hydrocarbures bruts pour les marchés extérieurs tout en important les technologies de demain.

Le tiers manquant des engagements climatiques ne se résume pas à une simple question de formulation. Il s'agit d'une question de direction, et l'Afrique, plus que toute autre région, ne peut se permettre d'avancer sans direction.

Entre promesse et réalisation

Pour comprendre pourquoi cela est important, il faut considérer la géographie des investissements énergétiques mondiaux.
Alors que l'Afrique débat des cadres de transition, de nouveaux gisements de pétrole et de gaz sont autorisés sur tout le continent, des bassins offshore du Sénégal au graben Albertin en Ouganda, en passant par les confins désertiques de la Namibie. Les compagnies pétrolières internationales, confrontées à des pressions sur leurs marchés nationaux, trouvent des perspectives plus favorables dans les environnements réglementaires africains.

Il en résulte un paradoxe : alors que les capitaux mondiaux se tournent vers la décarbonation, une vague d'investissements parallèle renforce les infrastructures fossiles de l'Afrique.

Ce schéma révèle un problème de gouvernance plus profond. La plupart des plans énergétiques africains considèrent les énergies fossiles et renouvelables comme des systèmes parallèles plutôt que séquentiels. L'intégration entre les objectifs de sortie des énergies fossiles et les stratégies de développement des énergies propres est insuffisante.

La question n’est donc pas de savoir si l’Afrique doit exploiter ses ressources, mais si elle peut le faire sans hypothéquer son avenir.

À quoi devrait ressembler le leadership

Pour que les engagements climatiques de l'Afrique aient un sens, ils doivent s'attaquer de front à la question des énergies fossiles. Prétendre que la transition énergétique est possible sans abandonner progressivement les combustibles fossiles revient à promettre une alimentation saine tout en ouvrant davantage de chaînes de restauration rapide.

Trois équipes sont essentielles.

1. Intégrer la sortie progressive dans la planification énergétique nationale

Chaque contribution déterminée au niveau national (CDN) africaine devrait inclure des dispositions assorties d'échéances précises concernant la réduction de la consommation d'énergies fossiles, les limites de production, le calendrier de suppression des subventions et les objectifs de diversification. Non pas comme une contrainte extérieure, mais comme un impératif de développement indissociable de la modernisation industrielle.

2. Aligner les finances sur les résultats de la transition

Les banques de développement, les fonds souverains et les fonds de pension africains doivent être mobilisés pour cofinancer les énergies renouvelables. Les infrastructures africaines de demain, qu'il s'agisse de production d'énergie, de transport ou de fabrication, doivent être conçues pour un monde bas carbone, et non adaptées ultérieurement à grands frais.

3. Redéfinir la transition juste autour de la propriété

La justice ne se limite pas à la protection des populations pauvres face aux chocs climatiques. Il s'agit aussi de garantir aux Africains la maîtrise des industries de la nouvelle ère énergétique : solaire, stockage, hydrogène vert et transformation des minéraux critiques. La transition ne peut être juste si elle n'est pas pilotée localement.

Le courage politique de dire “ non ”

Il faut du courage politique pour dire non à une ressource qui a bâti votre économie.
Mais le véritable leadership consiste à choisir l'avenir plutôt que le familier.

Lors de la COP28, les négociateurs africains ont plaidé, à juste titre, pour l'équité. Mais l'équité exige aussi une responsabilité interne. Cela signifie reconnaître que l'Afrique ne peut pas réclamer la justice climatique mondiale tout en renforçant les systèmes mêmes qui sont à l'origine de la crise.

Il faut dépasser le stade de l'aide humanitaire ou des plaidoyers moraux. Le pouvoir de négociation de l'Afrique ne réside pas dans la compassion, mais dans la stratégie, dans sa capacité à démontrer qu'une transition juste, inclusive et autodéterminée est possible, même en présence de contraintes structurelles.

Cela exige une clarté d'intention. Un plan national qui développe les raffineries, subventionne la consommation d'énergies fossiles et se présente comme une “ stratégie de transition énergétique ” manque de crédibilité. Il s'agit d'un plan de survie industrielle enrobé d'écologie.

Vers une transition plus honnête

Les données de Résumé sur le carbone Cela devrait servir de miroir. Un tiers des engagements mondiaux mentionnent l'abandon progressif des énergies fossiles ; les deux tiers ne le font pas. Ce même ratio pourrait décrire l'engagement moral de l'Afrique face à la transition climatique : une part d'efforts sincères, deux parts d'hésitation.

Pourtant, l'hésitation a un coût. Chaque nouveau gisement pétrolier, chaque gazoduc, chaque agrandissement de raffinerie creuse le fossé de la transition que les générations futures devront combler par leurs propres moyens.

L'Afrique doit choisir : soit elle mène la transition, soit elle la suit selon les conditions imposées par d'autres.

Diriger, c'est élaborer des politiques qui lient industrialisation et décarbonation, finance et justice, souveraineté et durabilité. C'est comprendre que les énergies fossiles ne constituent pas le fondement de la puissance africaine, mais son plafond.

Lorsque le reste du monde cessera d'acheter ce que nous vendons, la seule économie restante sera celle que nous aurons construite nous-mêmes.

La route à suivre

Les engagements climatiques de l'Afrique doivent cesser d'éluder la question centrale. Les énergies fossiles ont certes donné de la visibilité à nos économies, mais elles ne peuvent les rendre durables. L'avenir ne se négociera pas en barils de pétrole, mais en mégawatts, en chaînes de valeur minières et en structures de gouvernance qui déterminent qui en bénéficiera.

Si seulement un tiers des plans climatiques mondiaux osent aborder la question de la sortie des énergies fossiles, l'Afrique devrait figurer parmi les rares à le faire. Non pas parce que c'est facile, mais parce que c'est indispensable.

Une industrialisation qui ignore le climat sera éphémère. Une ambition climatique qui ignore l'industrialisation sera injuste. L'Afrique doit impérativement concilier développement énergétique et réduction de sa dépendance.

Le monde entier attend des signes de sincérité. L'Afrique doit désormais prouver que sa transition n'est pas un simple discours, mais une véritable rupture.

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Responsable de la région Afrique à  |  + de messages

Vincent Egoro est une voix africaine de premier plan en matière de transition énergétique juste, d'élimination progressive des combustibles fossiles et de gouvernance des minéraux critiques. Fort de plus de dix ans d'expérience en plaidoyer régional, il œuvre à l'intersection de la transparence, de la responsabilité et de la durabilité, promouvant des solutions communautaires qui placent l'Afrique au cœur de l'action climatique mondiale.

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