Les minéraux essentiels de l'Afrique sont à nouveau sous les projecteurs de la communauté internationale, cette fois-ci non pas à cause de ce qui y est extrait, mais à cause de la manière dont cela est financé.
La semaine dernière, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a publié un nouveau rapport appelant à financement et investissement responsables dans les minéraux de transition énergétique, notamment le cuivre, le cobalt, le lithium, le manganèse et le graphite, qui alimentent les ambitions mondiales de neutralité carbone. Le rapport exhorte les gouvernements, les banques et les entreprises à mettre en place une économie minière « nature-positive » qui préserve les écosystèmes et les communautés tout en favorisant la transition écologique.
Sur le papier, c'est un progrès. En pratique, cela révèle un décalage gênant entre la théorie de la responsabilité et la réalité de l'origine africaine.
Le paradoxe du financement
Le rapport du PNUE arrive à un moment crucial. L'Afrique est au cœur de la chaîne d'approvisionnement mondiale en minéraux : le continent abrite environ 30 % des réserves mondiales connues de minéraux critiques, essentiels aux technologies d'énergie renouvelable. Pourtant, les pays africains ne captent qu'une fraction de la valeur qu'ils génèrent.
La contradiction est flagrante. Les mêmes minéraux qui servent à fabriquer des panneaux solaires, des véhicules électriques et des éoliennes sont souvent exploités dans des conditions qui reproduisent les inégalités que la transition énergétique prétend résoudre. Dans des pays comme la République démocratique du Congo, l'extraction du cobalt est devenue un symbole à la fois d'opportunité et d'exploitation : une industrie de 1,4 milliard de livres sterling (13 milliards de livres sterling) dont les communautés locales ne tirent que peu de bénéfices et où la surveillance environnementale reste faible.
L'appel du PNUE en faveur d'un « financement responsable des minéraux » vise à combler ce fossé en encourageant les investisseurs à intégrer les normes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) à chaque étape du financement. Mais comme le souligne depuis longtemps la société civile africaine : normes sans structure ne suffisent pas. La plupart des mines africaines sont financées en dollars, exploitées par des entités étrangères et structurées par l'intermédiaire d'intermédiaires offshore qui limitent la collecte des impôts nationaux.
La responsabilité, sans souveraineté, reste une promesse fragile.
De l'énergie propre aux accords propres
Partout sur le continent, les décideurs politiques s'accordent de plus en plus à dire que la transition énergétique de l'Afrique ne doit pas reproduire l'ancien modèle extractiviste. La Stratégie de l'Union africaine pour les minéraux verts appelle à une coordination régionale, à la valorisation et à une gouvernance renforcée du commerce transfrontalier des minéraux. Mais les modalités pratiques du financement de cette ambition restent en suspens.
Le rapport du PNUE souligne le rôle du « financement mixte », combinant financements publics concessionnels et capitaux privés, pour réduire les risques liés aux investissements. Ce modèle a prouvé son efficacité dans la production d'énergies renouvelables, mais son extension à l'exploitation minière soulève des inquiétudes plus profondes. Lorsque la réduction des risques devient synonyme de subventions publiques, les citoyens finissent souvent par garantir les profits des multinationales.
Les négociateurs africains lors des sommets mondiaux sur le climat et la finance ont souligné à plusieurs reprises que la responsabilité doit signifier redistribution. Pour être véritablement juste, la finance responsable doit inclure des dispositions relatives à la propriété locale, à l’équité communautaire et à des cadres de partage des revenus qui transfèrent la valeur, et pas seulement le risque, aux pays hôtes.
Le chaînon manquant : les institutions financières africaines
Un examen plus approfondi des flux de financement minier révèle un déséquilibre structurel. La majorité des projets africains de minéraux critiques sont financés par des institutions européennes, chinoises ou nord-américaines. Les banques nationales et régionales restent largement absentes du financement de projets d'envergure en raison de bilans limités, de coûts de capital élevés et de règles strictes de pondération des risques.
Cette absence a des conséquences. Elle signifie que les gouvernements africains ont peu de pouvoir sur la structuration et le suivi des contrats. Elle renforce également la dépendance aux prêts en devises, qui exposent les pays aux chocs de change et aux pressions sur la dette extérieure, un problème qui touche déjà plusieurs économies riches en ressources.
Bâtiment finance responsable, Par conséquent, cela exige plus que des indicateurs ESG ; cela exige une refonte de l'écosystème financier africain. Les banques régionales de développement telles que la Banque africaine de développement (BAD) et Afreximbank sont bien placées pour mener cette transition en créant des mécanismes de financement en monnaie locale liés à des normes de durabilité.
De tels instruments pourraient non seulement réduire les coûts de financement, mais aussi aligner la responsabilité financière sur les réalités locales, où les communautés, et non les conseils éloignés, ressentent l’impact de l’extraction.
Finance responsable ou langage responsable ?
Le cadre du PNUE met l'accent sur la transparence et la traçabilité, mais laisse des questions cruciales sans réponse. Qui définit ce qui est « responsable » ? Et qui tient les bailleurs de fonds responsables en cas de préjudice ?
L'expérience des gouvernements africains avec les codes miniers internationaux offre des enseignements qui méritent d'être mis en garde. Les précédentes initiatives d'« exploitation minière responsable », du Guide de l'OCDE sur le devoir de diligence à la Global Battery Alliance, étaient conçues avec de nobles intentions, mais avec un pouvoir d'application limité. Elles ont amélioré la déclaration, mais pas la redistribution.
En l'absence de responsabilité financière contraignante, la finance responsable risque de devenir un nouveau chapitre de la rhétorique bien intentionnée. Comme nous l'a dit un jour un militant congolais : « Nous en avons assez d'être étudiés de manière responsable tout en restant pauvres de manière responsable. »
La prochaine étape de l'histoire des minéraux africains doit donc aller au-delà des listes de contrôle de conformité. Elle doit redéfinir la responsabilité comme propriété, responsabilité et agence.
Un cas test continental
Plusieurs pays testent déjà de nouveaux modèles.
- La Zambie et la RDC pilotent des coentreprises pour le traitement des minéraux de qualité batterie, dans le but de conserver davantage de valeur au niveau national.
- La Namibie a mis en place des politiques limitant les exportations de lithium brut, à moins qu’une transformation partielle n’ait lieu à l’intérieur de ses frontières.
- L’Afrique du Sud explore une Plateforme d'échange de minéraux critiques pour améliorer la transparence du marché et la tarification.
Ces expériences reflètent un consensus croissant : l’Afrique doit non seulement exploiter des minéraux, mais aussi les monétiser équitablementLe défi consiste à garantir que les nouvelles formes de partenariat, en particulier celles qui s’inscrivent dans le cadre d’une « transition juste », génèrent des bénéfices à long terme plutôt que des gains étrangers à court terme.
Dans ce contexte, le rapport du PNUE pourrait servir de référence, mais il n’aura de sens que s’il catalyse les mécanismes de financement dirigés par l’Afrique qui incarnent ses principes.
La voie à suivre : construire une norme africaine
Si l’Afrique veut devenir un leader en matière de financement responsable des minéraux, trois priorités stratégiques se démarquent :
- Instruments de monnaie locale : Financement en monnaies locales ou régionales pour réduire les risques de change et maintenir la valeur en circulation au sein des économies africaines.
- Participation à l'équité communautaire : Intégrer des clauses de partage des bénéfices ou de parts communautaires dans les projets miniers pour aligner les incitations et la responsabilité.
- Cadres ESG africains : Élaborer des normes environnementales et sociales spécifiques au contexte par le biais d’institutions continentales telles que le Centre africain de développement minier (AMDC) et la Commission de l’Union africaine.
Ces mesures transformeraient la « responsabilité » en un principe mesurable et applicable, défini par les Africains, pour l’Afrique.
Alors que les capitaux mondiaux se précipitent pour sécuriser les minéraux nécessaires à la transition énergétique, le continent est confronté à une question déterminante : sera-t-il le site de extraction responsable ou l'architecte de transformation responsable?
Ce choix déterminera si la prochaine décennie de l’exploitation minière répétera l’histoire ou la réécrira.
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