Un sommet de promesses et de risques
Le deuxième Sommet africain sur le climat, à Addis-Abeba, s'est clôturé sur des titres marquants : les dirigeants africains se sont engagés à mobiliser 14,5 milliards de livres sterling par an pour des solutions climatiques, grâce à une nouvelle Initiative pour les solutions climatiques. Cet engagement est ambitieux, visionnaire et absolument nécessaire. Mais derrière ces applaudissements se cache un risque inquiétant : cette nouvelle vague de financement climatique ne prendra pas la forme de subventions, mais de prêts aggravant la dette.
Pour un continent qui paie déjà $163 milliards de dollars de service de la dette en 2024, soit près du triple du niveau de 2010 (Brookings), la différence entre subventions et prêts n'est pas technique. Elle est existentielle. Si 14 milliards de livres sterling par an arrivent sous forme de dette, l'avenir climatique de l'Afrique pourrait reposer sur un piège financier.
L'adaptation arrive sous forme de dette
L'injustice est déjà visible dans les chiffres. Selon le FMI, 47% de financement climatique en Afrique en 2024 ont soutenu l'adaptation, mais 57% de ce soutien ont été octroyés sous forme de prêts. L'adaptation, par définition, ne génère pas de rendement financier immédiat. Elle renforce la résilience : défenses côtières, protection contre les inondations et agriculture résiliente au changement climatique. Ce sont des biens publics. Pourtant, les pays africains sont sollicités pour les financer.
Cela crée un paradoxe cruel : les financements censés réduire la vulnérabilité sont octroyés de manière à accroître la fragilité budgétaire. Des pays comme la Zambie, le Ghana et le Kenya, déjà confrontés à des crises de soutenabilité de la dette, doivent décider s’il convient de construire des dispositifs de protection contre les inondations ou de préserver leur notation de crédit.
Dans notre analyse précédente, La crise du financement climatique en AfriqueNous avons montré comment le financement par endettement compromet les objectifs d'adaptation. L'ACS2 n'a pas résolu cette contradiction ; elle risque de l'amplifier.
Le service de la dette étouffe l’action climatique
Le surendettement n'est pas abstrait. Il se mesure en cliniques privées d'électricité, en exploitations agricoles sans irrigation et en villes côtières sans protection. En 2024, l'Afrique a dépensé 14163 milliards de livres sterling (TP4T) au titre du service de la dette, une somme qui aurait pu financer la résilience et les énergies renouvelables.
Lorsque les gouvernements dépensent davantage pour le remboursement de la dette que pour la santé, l'éducation ou l'action climatique, l'injustice du financement climatique devient évidente. Pour nous, il ne s'agit pas seulement d'une question de politique, mais d'une question de justice : chaque dollar emprunté aujourd'hui pour l'adaptation est un dollar volé à la marge de manœuvre budgétaire de demain.
Déclaration d’Addis : l’adaptation d’abord, mais comment la financer ?
La Déclaration d’Addis-Abeba a placé à juste titre l’adaptation au cœur du leadership climatique de l’Afrique, faisant écho aux demandes de la société civile en faveur d’approches privilégiant les subventions (WWF Afrique). Les solutions fondées sur la nature, la restauration des forêts, la protection des bassins versants et l’exploitation des connaissances autochtones ont été érigées en priorités continentales.
Mais la question centrale reste sans réponse : qui financera et sous quelle forme ? Si le financement de l’adaptation repose sur l’endettement, la Déclaration d’Addis restera un vœu pieux. La crédibilité de l’objectif de 14 milliards de livres sterling (1 milliard TP450) fixé pour l’Afrique dépend de la structure du financement : subventions, partage des risques concessionnels ou instruments à forte composante de prêts.
Le déficit de subventions après la COP29
Il y a quelques mois à peine, la COP29 annonçait un nouvel objectif de financement mondial de 1,3 billion de livres sterling par an d'ici 2035. Les chiffres semblaient historiques. Mais à y regarder de plus près : seulement On attend 14300 milliards de livres sterling provenant de sources publiques, le reste devant provenir de capitaux privés.
Cela signifie que même à l'échelle mondiale, le financement climatique est conçu pour privilégier les prêts et les subventions. La COP29 n'a pas réussi à fixer d'objectifs contraignants en matière de subventions, laissant l'Afrique vulnérable. Addis-Abeba a tenté de recentrer l'ambition, mais sans réforme structurelle, le déficit de subventions persistera.
Le problème du coût du capital
Même si 140 milliards de livres sterling sont mobilisés, la façon dont le prix est fixé est aussi importante que le montant promis. Agence internationale de l'énergie note que Les taux d’intérêt en Afrique sont deux à trois fois plus élevés que dans les pays de l’OCDE. Le financement d’une centrale solaire au Kenya coûte 20 à 301 TP3T de plus que celui de la même centrale en Allemagne.
À cela s'ajoute le risque de change : la plupart des prêts sont libellés en dollars ou en euros, tandis que les revenus sont libellés en monnaies locales qui se déprécient. Les tarifs douaniers augmentent, les projets stagnent et les ménages sont exclus. Sans prêts en monnaie locale, couverture de change et plateformes de garantie, l'objectif de 14,5 milliards de livres sterling (1,4 milliard de livres sterling) de l'Afrique pourrait s'effondrer sous le poids du coût du capital.
Les subventions existent, mais sont inaccessibles
Même lorsque des subventions sont promises, elles sont notoirement difficiles à obtenir. Fonds vert pour le climat (GCF), l'instrument de subvention phare de l'Afrique, a été critiqué pour ses retards d'accréditation de plusieurs années et ses processus d'approbation fastidieux.
Le Unité d'évaluation indépendante du GCF a admis que « les institutions les plus vulnérables sont confrontées aux obstacles les plus difficiles ». En pratique, cela signifie que les ministères, les municipalités et les groupes communautaires africains attendent des années avant que les projets soient approuvés, tandis que les intermédiaires internationaux accélèrent le traitement de leurs demandes.
Si l’objectif de 14 milliards de livres sterling (1 milliard TP4T50) de l’ACS2 doit être crédible, l’accès direct des institutions africaines doit être une ligne rouge.
Des subventions en baisse, des besoins en hausse
Pendant ce temps, le OCDE prévient que l'aide publique au développement (APD) devrait à nouveau diminuer en 2025. La lassitude des donateurs, l'inflation et les distractions géopolitiques érodent le bassin de subventions au moment même où la facture climatique de l'Afrique s'alourdit.
Cela risque d'accroître le déficit de financement de l'adaptation au moment même où il doit être comblé. Si cette tendance n'est pas inversée, 14 milliards de livres sterling (14,5 milliards de livres sterling) pourraient n'être qu'un simple jeu de calcul : davantage de prêts, moins de subventions, une dette croissante et des besoins non satisfaits.
Trois changements urgents pour les 144 milliards de livres sterling de l'Afrique
Du sommet d’Addis à la COP30, l’Afrique doit promouvoir trois réformes urgentes :
- Accorder la priorité à l’adaptation et aux pertes et dommages. Ces domaines ne devraient jamais être financés par des prêts. Si 1450 milliards de pesos tanzaniens sont financés par des prêts, ils ne rempliront pas leur objectif.
- Dérisquer sans s'endetter. Les garanties, les prêts en monnaie locale et la couverture de change doivent être intégrés à tout programme de financement climatique. Cela permet de réduire les coûts sans alourdir les remboursements.
- Allégement de la dette verte. Les échanges de dette contre des mesures climatiques et les clauses climatiques dans les obligations souveraines peuvent libérer un espace budgétaire tout en alignant les conditions de remboursement sur les objectifs climatiques.
Ces changements sont pragmatiques, et non radicaux. Ils constituent les conditions minimales pour que le financement climatique de l'Afrique soit crédible, juste et efficace.
D'Addis au Brésil : la route de l'Afrique vers la COP30
Le sommet d'Addis-Abeba s'est conclu par un discours fort et des objectifs ambitieux. Mais la route mène désormais à la COP30 au Brésil. L'Afrique doit y arriver d'une seule voix :
- Le financement de l’adaptation doit être accordé en priorité sous forme de subventions.
- Le financement doit être prévisible, accessible et tarifé de manière équitable.
- La finance doit être liée à la justice, et non aux pièges de la dette.
Comme nous l’avons vu dans notre analyse précédente de Systèmes énergétiques zombiesLes nouveaux investissements sont gaspillés s'ils reposent sur des réseaux défaillants et des bases budgétaires fragiles. La finance ne se résume pas à des chiffres ; il s'agit de systèmes qui répondent aux besoins des citoyens.
L'essentiel
L'ambition de l'Afrique de financer le climat à hauteur de 1,4 milliard de livres sterling (environ 1 milliard de dollars américains) est historique. Mais sa réussite dépend entièrement de son mode de financement.
Si les fonds destinés à l'adaptation sont octroyés sous forme de prêts, le continent troquera la résilience climatique contre la fragilité budgétaire. S'ils sont octroyés sous forme de subventions, de partage des risques et d'allégement de la dette, l'Afrique peut concrétiser ses ambitions.
Le sommet d'Addis-Abeba a tracé la voie. La COP30 décidera si l'Afrique entrera dans l'avenir avec des outils de libération ou avec les mêmes chaînes de la dette.
L'adaptation nécessite des subventions, pas des prêts. L'ambition climatique de l'Afrique, qui s'élève à 1,4 milliard de livres sterling, ne peut reposer sur l'endettement.
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