Ces dernières années, l'Afrique a été saluée comme un leader dans la conception de transitions justes, des transitions énergétiques qui protègent à la fois la planète et les populations. Parmi les plus ambitieux figure le Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP) en Afrique du Sud, qui promet 148,5 milliards de livres sterling pour s'affranchir du charbon, tout en préservant les travailleurs et les communautés.
Mais derrière les gros titres, une tendance inquiétante se dessine. Plus de 65 % des subventions ont été versées à des cabinets de conseil internationaux tels que BCG, Deloitte et PwC. Les entreprises locales et les groupes communautaires disposent donc de moins d’un quart des ressources.
Cela soulève une question cruciale : à qui revient cette transition ?
Une tendance mondiale
L'Afrique du Sud n'est pas la seule. Partout en Afrique, les financements climatiques migrent souvent vers le nord, vers des cabinets de conseil, des sociétés d'ingénierie et des développeurs de projets, contournant ainsi les capacités locales. À considérer :
- Le Fonds énergétique du Nigeria, bien que les réformes incluent des clauses sur l'énergie verte, les contrats dominants sont attribués à des cabinets de conseil européens.
- Expansion du solaire au Maroc : les entreprises locales signalent peu d’engagement alors que les mégaprojets favorisent les soumissionnaires internationaux.
- Le projet pilote de transition juste du Kenya — même s’il est conçu pour bénéficier aux communautés dépendantes du charbon —, le financement a été largement versé à des conseillers mondiaux.
En Tanzanie, des projets visant à faire passer les ménages Massaï aux fourneaux solaires et aux forages sont élaborés par des ONG étrangères, tandis que les voix locales peinent à mettre un pied dans la porte.
Quand les communautés locales sont laissées pour compte
À Mpumalanga, les villes sud-africaines autrefois prospères grâce aux mines de charbon sont désormais en déclinLes travailleurs sont confrontés à des pertes de salaire, à des problèmes de santé et à une absence de perspectives d'avenir. Dans ces communautés, les investissements de transition sont rares.
Dans le delta du Niger, les projets de nettoyage des torchères à gaz sont pilotés par des équipes d'ingénieurs étrangères. Pourtant, les jeunes et les travailleurs du secteur pétrolier locaux restent exclus des contrats et des programmes d'embauche.
Dans la ceinture de cuivre zambienne, qui s'oriente désormais vers les minéraux verts, des fonderies et des centrales à hydrogène sont conçues par des promoteurs étrangers. Soudeurs et ingénieurs locaux attendent des formations professionnelles qui n'arrivent jamais.
Le résultat est un récit familier : une transition impulsée par l’élite qui élève les entreprises mondiales, tout en laissant les communautés en première ligne avec pollution, instabilité et promesses non tenues.
Les risques du contrôle des élites
Lorsque les cabinets de conseil internationaux pilotent la transition, ils définissent le scénario. Ils dictent les échéanciers, les objectifs et les objectifs d'avancement des projets. Mais ces agendas reflètent souvent des priorités externes :
- Rendements des investissements
- Potentiel d'exportation
- Gains de réputation internationale
Les communautés locales, en revanche, ont besoin d'air pur, d'emplois stables et d'un accès abordable à l'énergie. Sans investissement direct dans ces domaines, les transitions risquent d'aggraver les inégalités.
Pleins feux sur l'Afrique du Sud
Le JETP sud-africain, initialement présenté comme un modèle de classe mondiale, risque de devenir une étude de cas pour l’extraction mondiale.
Sur 1,5 milliard de livres sterling de subventions, seuls 1,4 milliard de livres sterling environ ont été versés aux entités sud-africaines. Le reste transite par des banques multilatérales et des cabinets de conseil internationaux qui gèrent l'ensemble du programme. Pendant ce temps, les travailleurs du charbon attendent des centres de reconversion, et les villes charbonnières attendent des industries vertes.
Il ne s’agit pas d’une transition, mais d’une transplantation d’expertise étrangère au détriment de la résilience locale.
Leçons tirées d'autres pays
Ce schéma se répète sur tout le continent :
- Le Maroc a fait appel à des entreprises internationales pour la conception de parcs solaires, écartant ainsi les sociétés d'ingénierie marocaines. Les entrepreneurs nationaux signalent que la maîtrise d'ouvrage du projet n'a jamais dépassé le stade des discussions sur le zonage.
- Au Kenya, le projet pilote de transition juste pour les villes voisines du charbon a privilégié les cabinets de conseil de la diaspora au détriment des organisations de jeunesse locales. Par conséquent, les flux de trésorerie et le renforcement des capacités restent inégaux.
- Le plan de réduction des flux de gaz du Nigeria, bien que prometteur sur le papier, a été élaboré par des conseillers climatiques internationaux. Les comités communautaires locaux n'ont été consultés qu'après l'attribution des contrats clés.
Ces cas illustrent un problème plus profond : la justice carbone sans justice sociale.
Récupérer le récit
Pour garantir que des transitions justes servent les communautés, les gouvernements africains doivent prendre trois mesures :
- Localiser les achats : réserver au moins 50 % du financement aux entreprises, ONG et coopératives dirigées par des Africains.
- Mandat de gouvernance communautaire : les projets de transition doivent inclure les conseils locaux ou les conseils communautaires dès le départ.
- Publier toutes les données : les contrats, les budgets et les rapports d’avancement doivent être accessibles dans des formats publics et en langues africaines.
Signes d'espoir
Certains projets vont déjà dans la bonne direction :
- L'Institut Lilitha d'Afrique du Sud a reçu un financement dédié pour former d'anciens travailleurs du charbon à la technologie solaire, alors même que des cabinets de conseil mondiaux gèrent des fonds JETP plus importants.
- En Zambie, deux coopératives énergétiques villageoises exploitent désormais des kiosques solaires avec des micro-réseaux, financés par des investisseurs locaux et aidés par de petites subventions.
- La Coalition de la société civile nigériane pour le climat a réussi à influencer l’attribution des subventions dans plusieurs projets fédéraux.
Ces initiatives montrent que lorsque les communautés prennent les devants, les transitions perdurent.
Un mouvement continental
Des pays riches en ressources comme le Ghana et la Sierra Leone élaborent des « fonds citoyens », similaires au modèle de revenus pétroliers de l'Alaska. Les revenus de l'or, du lithium et du cobalt sont réservés aux services publics, à la formation professionnelle et à l'accès à l'énergie.
Dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), un fonds panafricain pour la transition énergétique est en cours de discussion. Il privilégierait les subventions aux initiatives communautaires plutôt qu'aux intermédiaires entreprises ou consultants.
Le chemin vers la vraie justice
La transition africaine ne peut se construire sur des modèles copiés-collés. Elle doit refléter les réalités locales. Cela signifie :
- Décarbonisation dans la dignité : éliminer progressivement le charbon et le gaz tout en préservant l’argent, les emplois et la dignité dans les villes charbonnières.
- Croissance verte à partir de la base : des kiosques solaires sur les marchés ruraux aux batteries au lithium fabriquées par les coopératives communautaires.
- La justice climatique, pas seulement l’action climatique.
Dernier mot
L'Afrique se trouve à la croisée des chemins. Elle peut mener à une transition fondée sur l'équité. Ou bien elle peut répéter des schémas d'extraction et de passivité.
Une transition juste en Afrique ne peut rester un dossier sur l'étagère d'un donateur. Elle doit être vécue par des communautés qui affrontent le soleil et la fumée au quotidien.
🌍 Apprenez-en davantage sur notre vision d'un avenir énergétique axé sur les citoyens « La transition énergétique de l'Afrique doit être centrée sur les personnes, et pas seulement sur la technologie ».
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