C’est un dilemme aussi vieux que l’indépendance : comment l’Afrique peut-elle assurer son avenir sans répéter le passé ?
En 2025, la question est plus aiguë que jamais. Le continent abrite 600 millions de personnes sans accès à l’électricité. De nombreux gouvernements, confrontés à la hausse de l'inflation, au surendettement et aux pressions politiques, redoublent d'investissements dans les combustibles fossiles pour répondre à la demande énergétique croissante. Parallèlement, l'horloge climatique mondiale tourne et les pays africains sont exhortés à prendre l'initiative en matière d'énergies renouvelables, à s'adapter aux chocs climatiques et à abandonner progressivement le pétrole et le gaz.
Alors, comment garantir que la transition énergétique de l'Afrique soit non seulement verte, mais aussi juste ? Qu'elle ne se contente pas de réduire les émissions, mais qu'elle éclaire les foyers, alimente les écoles et ouvre des perspectives économiques ?
La poussée vers la sécurité énergétique
Du Nigéria au Sénégal, du Mozambique à la Tanzanie, la sécurité énergétique est devenue un impératif politique. Le gaz est présenté comme un « carburant de transition » capable de sortir des millions de personnes de la précarité énergétique. Au Nigéria, la politique du gouvernement Initiative Décennie du gaz vise à stimuler l'industrialisation et les réformes de la cuisine domestique. Un discours similaire se fait entendre sur tout le continent, avec une vague de signatures d'accords de gaz naturel liquéfié (GNL) en réponse à l'évolution de la demande énergétique européenne.
Il ne s'agit pas seulement de décisions économiques ; elles sont profondément politiques. Les dirigeants sont confrontés aux élections, aux crises du chômage et à l'impatience de l'opinion publique. Les projets d'énergie fossile promettent souvent des revenus rapides, des investissements étrangers et des améliorations des infrastructures.
Mais ces promesses comportent des risques.
Le dilemme climatique
L'Afrique se réchauffe plus vite que la moyenne mondialeDes cyclones frappent le Mozambique ; des inondations déplacent des millions de personnes au Soudan et au Nigéria ; la sécheresse menace la sécurité alimentaire au Sahel. L’ironie est douloureuse : le continent contribue à moins de 41 millions de tonnes aux émissions mondiales, mais subit de plein fouet le changement climatique.
Les défenseurs du climat et les partenaires internationaux font pression de plus en plus pour que l'Afrique passe rapidement aux énergies renouvelables. Et c'est effectivement le cas. Le Kenya, par exemple, s'approvisionne désormais en électricité. plus de 80% de son électricité provient des énergies renouvelables. L'Afrique du Sud, sous son Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP), prend des décisions difficiles pour retirer le charbon tout en soutenant les communautés touchées.
Pourtant, l'ampleur du défi est colossale. Le financement des énergies renouvelables reste atone. Les infrastructures de réseau sont obsolètes. Et de nombreuses communautés n'ont pas encore bénéficié des avantages de l'énergie verte.
La corde raide de la transition juste
Une transition juste en Afrique doit être différente de celle en Europe ou en Amérique du Nord. Il ne suffit pas de remplacer le charbon par le solaire. Elle doit s'attaquer aux injustices historiques, aux inégalités actuelles et aux aspirations futures.
Qu'est-ce que cela signifie en pratique ?
- Il s’agit d’impliquer les communautés dans la prise de décision concernant les projets énergétiques.
- Cela signifie que l’accès à l’énergie ne doit pas être un sous-produit mais un objectif central.
- Il s’agit de soutenir les travailleurs qui dépendent des industries des combustibles fossiles et de les requalifier pour la nouvelle économie.
- Il s’agit d’investir dans des systèmes renouvelables décentralisés qui atteignent les communautés rurales, et pas seulement les centres urbains.
Cela signifie avant tout que la transition énergétique doit être ancrée dans la dignité et le développement.
Financer l'avenir
Le financement est un facteur décisif. L'Afrique a besoin d'environ $190 milliards par an pour atteindre ses objectifs climatiques et énergétiques d’ici 2030. Pourtant, le financement climatique reste orienté vers l’atténuation, et non vers l’adaptation, et encore plus vers des projets bancables à grande échelle.
Les petits systèmes solaires hors réseau, les solutions de cuisson propres et les projets énergétiques communautaires peinent à attirer des financements. Même lorsque des fonds sont disponibles, ils prennent souvent la forme de prêts et non de subventions, ce qui alourdit le fardeau de la dette de l'Afrique.
Échanges de dettes contre des mesures climatiques, comme celles récemment évoquées par l'Italie, sont prometteuses, mais leur portée reste limitée. La communauté internationale doit dépasser les discours et fournir des financements prévisibles, concessionnels et équitables.
Le rôle de la société civile et de la jeunesse
Partout en Afrique, la société civile n’attend pas.
Du Nigéria Association des énergies renouvelables à coopératives solaires dirigées par des femmes Au Mali, des initiatives citoyennes illustrent ce que peut être une transition juste. Les mouvements de jeunesse réclament non seulement une énergie propre, mais aussi une réflexion sur ceux qui la contrôlent et ceux qui en bénéficient.
Alors que les gouvernements négocient des accords complexes avec les grandes compagnies pétrolières ou les donateurs internationaux, la société civile doit avoir voix au chapitre. La transparence, la responsabilité et la participation du public ne sont pas facultatives ; elles constituent le fondement d’une transition citoyenne.
Le temps des choix audacieux
L'Afrique se trouve à la croisée des chemins. La tentation d'exploiter les combustibles fossiles à des fins de profit à court terme est forte. Mais l'opportunité de construire un avenir énergétique résilient, inclusif et durable l'est tout autant.
Ce ne sera pas facile. Cela exigera du courage de la part des dirigeants politiques, de la créativité de la part des financiers, de la solidarité de la part des partenaires internationaux et de la mobilisation des citoyens.
Mais c'est possible.
Si nous trouvons le bon équilibre, l’Afrique pourra non seulement maintenir les lumières allumées, mais aussi éclairer la voie du monde.
Plus d'informations sur notre blog : Suivez l’argent : l’Afrique reçoit-elle vraiment sa juste part du financement climatique ?
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