L'Afrique abrite plus de 301 millions de tonnes de minéraux critiques mondiaux : cobalt, lithium, manganèse, graphite, tous essentiels à la transition énergétique mondiale. Mais alors que les économies les plus riches du monde s'efforcent de s'assurer ces ressources pour les technologies propres, un autre défi se profile : comment l'Afrique parviendra-t-elle à raffiner ces minéraux sans dépendre des combustibles fossiles qu'elle est pressée d'abandonner progressivement ?
L'idée de raffiner les minéraux localement est souvent présentée comme une solution gagnant-gagnant. Elle crée de la valeur, crée des emplois et réduit la dépendance aux exportations. Mais en réalité, la fragilité des systèmes énergétiques africains et leur dépendance excessive aux combustibles fossiles compliquent considérablement cette vision. Et c'est là que réside le dilemme : pour s'industrialiser, il faudra peut-être polluer, du moins à court terme.
Pourquoi le raffinage local n'est plus une option
Pendant des décennies, l'Afrique a exporté des minéraux bruts pour importer des produits raffinés, souvent à des prix gonflés. Ce modèle profite aux industries étrangères, mais laisse aux économies africaines des séquelles environnementales et peu de richesses à en tirer.
Le raffinage des minéraux critiques en Afrique offre un potentiel de croissance industrielle et de création d'emplois. Des pays comme l'Afrique du Sud, le Zimbabwe et la République démocratique du Congo déploient actuellement des stratégies nationales pour maintenir une plus grande part de la chaîne de valeur sur leur territoire.
Le Stratégie de l'Union africaine sur les minéraux critiques appelle à une valorisation locale, à une coopération régionale renforcée et à des partenariats équitables. Il s'agit d'une action urgente pour éviter un nouveau cycle de « malédiction des ressources ».
Mais transformer le minerai en produits finis ne se résume pas à avoir les minéraux, cela demande beaucoup d’énergie.
Le piège énergétique : des objectifs clairs, une réalité difficile
Le raffinage des minéraux est énergivore. Il nécessite des températures élevées, des procédés chimiques et une alimentation électrique continue. Dans la majeure partie de l'Afrique, cette énergie provient de combustibles fossiles, de générateurs diesel, de centrales à charbon ou de turbines à gaz. C'est là que la contradiction apparaît.
UN Rapport du Breakthrough Institute Il est noté que l'Afrique aura du mal à répondre à la demande de transformation industrielle avec les infrastructures renouvelables actuelles. Les gouvernements se retrouvent donc face à deux mauvaises options : soit retarder l'industrialisation, soit s'appuyer sur des combustibles polluants pour alimenter leurs ambitions minières « vertes ».
L'Afrique du Sud, par exemple, possède des capacités de traitement des minéraux parmi les plus avancées au monde, mais elle dépend encore fortement de l'énergie produite à partir du charbon. La Zambie et la RDC sont régulièrement confrontées à des pannes d'électricité et doivent choisir entre alimenter leurs hôpitaux ou leurs fonderies.
Si cette tendance se poursuit, l’Afrique pourrait devenir un paradoxe : le fournisseur mondial d’énergie propre qui brûle des combustibles fossiles pour rester en activité.
Pourquoi cela devrait inquiéter tout le monde
Permettre au raffinage des minéraux de se poursuivre sans une base énergétique propre menace non seulement les objectifs climatiques de l’Afrique, mais risque également de légitimer l’injustice environnementale.
Les communautés vivant à proximité des usines de transformation sont souvent les plus touchées par la pollution, les déchets toxiques et la déforestation. Sans réglementation stricte et sans mesures de protection environnementale, le raffinage des minéraux pourrait reproduire les dommages causés par l'extraction minière à l'ère du pétrole et du gaz.
Les groupes locaux de la société civile, comme Justice environnementale au Mozambique et Centre sud-africain pour les droits environnementaux, ont averti que de nombreux projets de raffinage sont approuvés sans consultation ni évaluation d'impact adéquates. À Madagascar et en Tanzanie, par exemple, les sources d'eau ont déjà été contaminées par les déchets miniers et de traitement.
Si le raffinage est poursuivi de manière imprudente, il renforcera la méfiance et poussera les communautés à résister même aux projets verts bien intentionnés.
Le raffinage propre est-il possible ?
Oui, mais seulement avec des investissements intentionnels et des changements de politique.
Certains pays africains explorent des alternatives. Au Rwanda, une nouvelle usine de raffinage d'étain et de tantale, alimentée en partie par l'hydroélectricité, se positionne comme un modèle propre. En Namibie, la politique gouvernementale encourage les zones de transformation alimentées par l'énergie solaire. Au Kenya, Loi sur l'énergie soutient les micro-réseaux renouvelables qui pourraient à terme alimenter des zones industrielles.
Mais ces projets restent rares. L'Afrique a besoin d'une feuille de route continentale pour une industrialisation basée sur les énergies propres. Cela signifie :
- Accroître la production d'énergie renouvelable
- Développer les réseaux électriques régionaux et le stockage par batterie
- Offrir des incitations aux investissements dans le raffinage propre
- Exiger la conformité environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) pour tous les projets
Le rôle des partenaires internationaux
L'Afrique ne peut y parvenir seule. La plupart des minéraux qu'elle détient sont recherchés par les marchés étrangers, notamment l'UE, les États-Unis et la Chine. Ces acteurs doivent non seulement acheter des matières premières, mais aussi aider l'Afrique à les transformer de manière responsable.
L'UE Loi sur les matières premières critiques et la loi américaine sur la réduction de l'inflation constituent des points de départ. Mais sans mécanismes de transfert de technologie, de financement concessionnel et de commerce équitable, ils risquent de pousser les gouvernements africains vers des partenariats à sens unique.
Au lieu de se contenter de se disputer les matières premières, ces partenaires devraient co-investir dans des infrastructures énergétiques propres qui alimentent l’avenir du raffinage en Afrique.
Ce que la société civile peut faire
La société civile africaine doit continuer à s'exprimer. Les organisations locales peuvent :
- Exiger des garanties environnementales et des avantages pour la communauté dans les projets de raffinage
- Plaider en faveur d'un financement de l'énergie propre lié aux zones de valorisation
- Surveiller les émissions et les niveaux de pollution
- Faire pression pour une législation nationale qui aligne le raffinage sur les principes de transition juste
Publiez ce que vous payez (PCQVP), Natural Resource Governance Institute (NRGI) et Fondation africaine pour le climat font déjà progresser la recherche et le plaidoyer dans ce domaine.
Mais il reste encore beaucoup à faire pour relier la justice énergétique, la politique industrielle et l’intégrité environnementale.
Conclusion : des minéraux propres nécessitent des méthodes propres
L'Afrique est à l'aube d'une renaissance minière. Mais cette opportunité ne doit pas devenir un nouveau raccourci vers le désastre.
Le raffinage n'est plus facultatif, il est essentiel. Mais si cela se fait au détriment de l'air, de l'eau et du climat, la transition n'aura de propreté que le nom.
Une véritable transition juste exige un équilibre : énergie pour le développement, ressources minérales pour le monde et dignité pour les populations. C'est la seule voie qui permettra à l'Afrique de gagner.
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