Alors que le monde s'oriente vers un avenir zéro émission nette, l'Afrique devient rapidement le berceau des matières premières pour les énergies vertes. Le cobalt provient de la République démocratique du Congo. Le lithium provient du Nigéria et du Zimbabwe. Le graphite et le nickel proviennent de Madagascar et d'Afrique du Sud.
Mais alors que les batteries des pays occidentaux deviennent plus écologiques, les communautés africaines paient un prix plus élevé.
Le véritable coût des minéraux verts en Afrique
Le coût des minéraux verts en Afrique ne se mesure pas seulement en dollars : il se compte en familles déplacées, en eau empoisonnée, en terres agricoles perdues et en main-d’œuvre exploitée.
Dans la province du Katanga, riche en cobalt en RDC, des villageois signalent avoir été expulsés de force de leurs terres pour faire place à des mines industrielles à grande échelle. Dans certains cas, des maisons ont été détruites au bulldozer et ceux qui résistent sont menacés, voire pire.
Au Zimbabwe, la ruée vers le lithium a vu des communautés mises à l’écart sans compensation équitable, tandis que les entreprises soutenues par la Chine exportent des matières premières avec un minimum de transformation ou de bénéfices locaux.
C’est le coût caché des minéraux verts en Afrique : des communautés démunies, des écosystèmes détruits et des rêves de développement différés.
Un avenir énergétique propre construit sur des fondations sales ?
La contradiction est stupéfiante. Les mêmes minéraux censés résoudre la crise climatique créent des crises à travers l’Afrique.
Et tandis que les dirigeants miniers vantent les mérites de la durabilité, de nombreux sites manquent des protections environnementales de base. Dans le sud de la RDC, la poussière de cobalt étouffe l'air. Au Zimbabwe, les rivières autrefois utilisées pour l'agriculture sont désormais obstruées par des eaux de ruissellement toxiques.
Pendant ce temps, la part de l’Afrique dans la chaîne d’approvisionnement mondiale en énergie propre reste négligeable, la plupart des matières premières étant expédiées à l’étranger pour être transformées, privant le continent d’emplois, d’innovation et de valeur à long terme.
À qui appartient la prospérité et la douleur ?
Cette histoire n'est pas unique. De la Kabylie algérienne aux mines de graphite tanzaniennes, les communautés se demandent si cette prétendue révolution verte leur apportera une meilleure situation, ou seulement un fardeau plus lourd.
Il est temps de nous demander : les minéraux verts donnent-ils du pouvoir à l’Afrique, ou servent-ils simplement à l’extraire à nouveau ?
Vers une transition juste et centrée sur les personnes
En tant que défenseur de la société civile, je crois que la réponse ne réside pas dans le rejet de l’exploitation minière, mais dans sa réinvention radicale.
L'Afrique ne doit pas seulement exploiter les ressources nécessaires à la transition mondiale ; elle doit aussi en définir les règles. Cela signifie :
- Le consentement libre, préalable et éclairé ne doit pas être négociable.
- Les communautés doivent recevoir une compensation équitable et des avantages à long terme.
- Les protections environnementales doivent être appliquées et surveillées.
- L’Afrique doit également investir dans la création de valeur locale, de la transformation à la fabrication de batteries.
Une transition énergétique juste ne peut se construire sur l'injustice. Le coût des minéraux verts en Afrique ne devrait pas être supporté par les plus vulnérables.
Dernier mot
L'Afrique est le moteur d'un avenir propre pour le monde. Mais elle ne doit pas le faire au détriment de ses propres ressources.
Alors que nous nous ruons sur la fabrication de batteries, n'oublions pas ceux qui vivent au-dessus des minéraux qui les rendent possibles. Pour que l'économie verte soit véritablement durable, elle doit être équitable, transparente et inclusive.
Et si le Nord global veut les minéraux de l’Afrique, il doit également respecter le peuple africain.
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Vincent Egoro est une voix africaine de premier plan en matière de transition énergétique juste, d'élimination progressive des combustibles fossiles et de gouvernance des minéraux critiques. Fort de plus de dix ans d'expérience en plaidoyer régional, il œuvre à l'intersection de la transparence, de la responsabilité et de la durabilité, promouvant des solutions communautaires qui placent l'Afrique au cœur de l'action climatique mondiale.



Merci beaucoup, Vincent, d'avoir mis ce sujet en lumière. J'ai travaillé dans le secteur extractif au Nigeria et actuellement dans l'agriculture au Malawi. Je peux vous assurer que votre article illustre parfaitement la situation ici, de l'Afrique du Sud au Kenya, en passant par l'Afrique du Sud-Est, comme le Malawi. L'Afrique alimente le monde en énergie verte, tandis que ses populations paient le prix fort des déplacements de population et d'une pauvreté extrême. Même les hôpitaux ne sont pas suffisamment équipés pour prendre en charge les nombreuses maladies liées à la pollution de l'environnement due à l'extraction de minéraux. Même là où il y a des hôpitaux, les habitants n'ont pas les moyens d'acheter des médicaments. Continuons à plaider pour que les dirigeants africains comprennent l'urgence de remédier à cette transition énergétique injuste à laquelle l'Afrique est confrontée. Maife Lincoln (PeaceFront Nigeria et Forum des jeunes sur l'ITIE)
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